D’où viens-tu, Grand père, d’où viens -tu ?
Je viens de mon enfance, je viens du fond des ages
J’ai traversé le temps
Et suis tombé parfois
Ma peau est toute bleue des coups que j’ai reçu
Pourquoi trembles-tu, Grand père, pourquoi trembles-tu ?
Parce que j’ai peur parfois du grand soir qui allonge
Ses jambes sur le sol
Et j’ai perdu mes songes
La mer les a volés et fracassés au loin.
Pourquoi es-tu si pauvre, Grand-père pourquoi es-tu si pauvre ?
J’ai été riche
J’ai ouvert des chemins sur les terres inconnues
Comme on ouvre les cuisses d’une femme amoureuse
J’ai connu les plus belles, celles dont la peau de soie est douce
comme le miel, celles dont le parfum du nid est plus suave que l’encens, celles dont les yeux sont autant de puits sans fond où une âme se noie...
Mais aucune n’a su me retenir, j’avais faim d’autre chose. Alors j’ai enfourché mon plus joyeux cheval et suis parti, sabre à la main conquérir d’autres chairs.
Pourquoi es-tu assis, Grand-père, avec pour seul bagage ce livre entre tes mains, avec ces grands pourquoi qui reflètent les miens et que dans tes yeux doux, je vois, pourquoi ?
On se lasse de tout, du sang comme des femmes..J’ai vu mes rêves amoureux s’enfoncer sous la terre, j’ai respiré l’odeur de chaque printemps jusqu’à m’en enivrer et tu sauras un jour que le réveil est dur à qui s’enivre.
Où vas-tu ainsi immobile, Grand -père, où vas-tu ?
Je vais au paradis..
Je l’ai parfois trouvé sur l’albâtre d’une femme
Souvent sur la robe d’un cheval,
Toujours dans les pages d’un livre