Dans la nuit obscure, je vais. Je vais et les phares de ma voiture éclaircissent les pavés discrets de sa rue. A droite. A gauche. Pas un chat. Pas une souris. Je suis le prédateur. Je viole du regard les moindres fissures, les moindres orifices de tout objet non identifié.
Dans la nuit obscure, je vais. Toujours. Toujours lorsque la nuit est profonde, je vais en voiture, sans bruit, éclairer les pavés discrets de sa rue. Il n’y a personne. Pas son chat. Ni de rat. Ni même elle. Cette personne qui m’amène dans cette rue, pour éclairer ses pavés discrets. J’attends en contemplant les fissures délicates et les orifices de murs effrités. Je contemple tellement en profondeur que des objets non identifiés se dessinent.
Dans la nuit obscure, je vais. Les phares de ma voitures s’allument et éblouissent les chats et les rats de sa rue. Des pattes, des queues partent en courant, en se faufilant. Les pavés discrets sont encastrés les uns dans les autres tandis que la lumière stroboscopique de ma machine les éblouit. Ces pavés qui m’amènent dans sa rue, cette impasse absinthe que je viens de m’inhaler, je suinte de gouttelettes fécales sur tout mon front. Je contemple les esquisses malices de ces fissures murales effritées. Des objets non identifiés mendient un sens aléatoire à travers ma raison raisonnant en écho.
Dans la nuit obscure, je vais. Des fantômes devant ma voiture, des silhouettes noires qui s’enfuient vite. Des bouts de pattes. Des bouts de queues. Eclaboussures de rouge et de noir après un feu d’artifices terrestres. Au ras des pavés se cachent ces drôles d’insectes qui se saoulent de sédiments carboniques. Ils m’indiquent la voie à suivre. Sa rue. Etroite. Petite. Personne. Une porte. Une fenêtre. Un volet fermé. Mais de la lumière derrière. Une aura lumineuse. Une fissure autour du creux. Autour du trou. Des perles qui suintent sur mon front. Sur mes boutons de chemise. Des perles d’absinthe qui dégoulinent sensiblement en bas. Trempé. Transpiration. Eruption. Et ces fissures qui ressortent des objets non identifiés. Des auréoles. Des fées. Elle. Seulement elle. Dessinée sur le mur. Des fissures. Des blessures. Le mur qui saigne. Et les pavés aussi. Des calamités soudaines, dans cette rue à moitié faite. A moitié conçue. Je l’éclaire de mes phares de voiture, et il n’y a rien. Rien qu’elle.