Perdue dans les reflets d’un estuaire immense,
Vaste delta boueux aux salines brûlantes,
Je laisse s’effacer mes traces d’existence
En flaques anonymes.
Et s’enfonce sans bruit
Dans les méandres tièdes
Mon corps tout en brisures.
Mes pieds ne savent plus où porter leur élan
Essoufflé et fragile.
Dans cette argile tendre que fige l’implacable
En ridules stériles,
S’engluent à chaque pas
Mes paupières jaunies
D’une écume malsaine
Surmontant l’impensable.
Ici plus rien ne bouge
Que le vent qui rugit
Au vide de l’espoir.
Ici
S’abîment tous les rêves
En une marée de vase
Immobile.
Tous les demains s’échouent et se mêlent au sable
Indifférent
Qui avale leurs cris
D’oiseaux désenchantés,
Abattus en plein vol
Au milieu de nulle part.
L’horizon qui recule devant ma main tendue
Borde un ciel empesé de lassitude morne
Qui ne renvoie de l’eau qu’une infinie ténèbre.
Me voilà parvenue là où les yeux se perdent,
Là où le cœur se rend, désarmé et muet,
Où l’espoir abandonne ses ultimes haillons
Et s’enlise, vaincu, au-delà des regrets.
Au-delà de la vie qui perd la mémoire
De ses semblants d’ivresse,
Au-dedans d’un écho qui ne renvoie plus rien
Qu’une traînée de néant,
Et qui adjure sans fin
En sanglots silencieux,
Nostalgie décharnée qui ne se sait même plus.
Agenouillée
Au parvis de mon temple,
Au pied de mon miroir,
Je sonde mon regard
Et me répond le vide.
J’implore mon désir
Et résonne l’absence.
Et les masques s’effritent
Me laissant impudique.
Et l’angoisse ricane
Devant ma nudité.
Et la mort salive
De me savoir brisée,
Prête à abandonner
Tous les terrains conquis.
Et mes mots se sont tus.
Et mes mains n’osent plus.
Et ma voix n’a plus rien pour habiller ses pleurs
D’un reste de fierté.
Crépuscule édenté de ma jeunesse vide
Où demain n’a plus cours,
Où le son éraillé d’une porte déchue
Fait résonner son glas
Au profond de ma nuit.
Comme une plainte vaine qui traverse l’espace
Dégorgent mes passions au fond d’un ventre amer,
Cacophonie obscène,
Dissonance vulgaire,
Quand se perd l’harmonie
Au fil du désespoir.
Bientôt ensevelie,
La clarté n’a plus cours
Quand s’éparpillent au vent
Les débris d’une vie.
J’ai déjà oublié
Qu’un jour j’ai eu le ciel
Dansant au fond des yeux...