-Fille de Chicoutimi
De tes mains nues apaise
La colère araignée griffue comme une braise
Qui monte dans mon cœur.
Apaise- moi, j’ai peur
De libérer les flots trop longtemps contenus ...
-Enfant, la colère est salutaire
Pourquoi, cette colère ?
-Je l’ai aimé, Mère, je l’ai aimé, j’ai cru pouvoir entretenir le feu seule, j’ai cru qu’on serait deux, j’ai cru tout et son contraire..
-Enfant , tu n’as en vérité aimé
Que ton reflet
Et lui a fait de même. Vous avez été le miroir l’un de l’autre. Cela vous a plu, mais à toi plus longtemps qu’à lui. C’est ainsi.
-J’aurais voulu connaître le chemin du toujours
Dessiner les contours
Sans jamais me lasser
Mais je suis si usée de guetter
Les signes de l’amour.
-Ce n’était pas de l’amour enfant, même pas de l’amitié.
Ce n’était que ton reflet,
Que tu cherchais en vain dans son regard.
L’amour est autre chose que ce que tu me contes,
L’amour se fonde dans l’empreinte des jours
Dans les larmes cueillies par les lèvres amoureuses
Dans les gestes qui bercent, dans l’épaule qui s’offre.
L’amour c’est savoir prendre sur son temps de sommeil ou de chasse ou de vie pour écouter l’autre dormir, le regarder respirer, consoler un chagrin.
L’amour est tour à tour désert, plaies ou échos, surtout écho. L’amour est exigence sans laquelle il n’y a pas de grandissement possible. Mais il est aussi silence et humilité, sans lesquelles il n’y a pas de respect possible.
-J’ai tenté d’apprivoiser l’ombre, j’ai marché jusqu’à la jouissance de la plainte,
Reçu sur le visage la violence
De ses mots parfois, le dédain, le silence.
-Tu attendais tant de lui.
Sans doute trop..
Qu’y pouvait- il enfant ? Rien.
Vous avez vos limites,
Les tiennes sont dans l’excès,
Les siennes dans la fuite
Ou le retrait .
Abandonne à l’oubli et à ses corridors
Ce souvenir qui mord,
Laisse le résonner puis s’éteindre doucement.
Ne le surveille pas, car cela lui rendrait un peu plus de vigueur, abandonne.
-Fille de Chicoutimi, était ce un rêve ?
-Oui, enfant, une double songerie.
Mais le rêve c’est fait pour la nuit.
L’amour a soif de la lumière du jour,
Vous étiez enfermés tous deux dans les steppes du vide, vous étiez sourds au réel,
Ensevelis dans les sables du virtuel.
-Que dois je faire Mère ?
-Enfant retiens ceci. Si ce que tu voyais était ton reflet et que celui qu’il te rend ne te plait plus, ce n’est pas de miroir qu’il faut changer, c’est ton être.
D’abord.
Ensuite, éventuellement tu iras à la rivière et te regarderas. Le regard de l’eau est plus profond que celui de n’importe quel amant.
-Je voudrais lui dire quelque chose.
-Quoi encore ?
-Je voudrais lui dire Adieu.
-Dis lui enfant, il n’attend que cela sans doute et depuis si longtemps. Mais tu ne l’as pas vu.
Dis lui qu’entre lui et toi,
C’est fini.
Un jour, quand vous aurez grandi l’un et l’autre, car lui aussi doit grandir, un jour peut-être vous retrouverez-vous, différemment.
Ou peut être pas. Quelle importance ? Vis. Sans lui.
Oublie.