Mes yeux n’en peuvent plus de toute la grisaille
De ces nuages lourds, rassasiés de misère,
Qui crachent sur la Terre, en lâchers de colère,
La folie de l’humain niant la funéraille*.
Et mon cœur saigne et crie devant l’intolérable
Des crimes abusifs commis sur l’innocence
Par ces hommes en rut méritant la sentence
Du jugement dernier pour cause indéfendable.
Il saigne et crie encor devant la bouche ouverte
De tous les affamés nourris d’éclats de bombe
Dont le regard implore un billet pour la tombe,
Une fosse à corps morts, de chaux vive couverte.
Il se serre à la vue d’un carton qui s’agite
Sur le trottoir humide et froid de la grand’ ville ;
La pauvreté grelotte et l’argent dort tranquille,
Sur une taie d’or, sourd à la vie qui se grippe,
Condamne l’assassin et maudit sa démence,
Dénonce le martyr de la forêt qui brûle
Et le poisson mourant, asphyxié dans la bulle
D’une eau empoisonnée à la fatale essence.
Faut-il jeter la pierre à notre vieil ancêtre,
A tous ses successeurs, bâtisseurs de l’aisance,
Aisance consommée malgré la connaissance
Des actes ravageurs, pour notre seul bien-être ?
Il n’est dans mes propos aucun âpre reproche
Mais que valent les mots, les cris et le tapage
Si l’acquis est jouissance et heureux avantage,
Bienheureux privilège auquel on se raccroche ?
Permettez, un instant, l’oubli de la misère,
Les bombes, les combats, la mort et la famine,
La jambe d’un enfant broyée par une mine,
L’océan meurtrier, les spasmes de la terre,
La violence à l’enfance et celle à la vieillesse,
Et l’injuste semé, au jour de la récolte,
Embrase la banlieue, au feu de la révolte
De jeunes enragés perdus dans leur détresse.
Aujourd’hui, permettez que le ciel m’ensoleille,
Que le nuage bleu me touche, me caresse,
Et soit le doux reflet d’un monde de tendresse
Dans mon regard ouvert à l’espoir qui s’éveille.
© Moun
12-02-2006
* volontairement mis au singulier