Connais tu le pays Chaumières grimaçantes ?
Leurs portes sont scellées et leurs vitres opaques
Et leurs murs sont tachés de voix comme des laques
Ensanglantées et noires dans la bise chuintante.
Dans ce pays de nuit on marche à reculons
Pour fuir l’éructation de ces vieilles masures
Chacun part pour toujours, de coutil et de bure
Vêtu et pour outil un bien pauvre bâton
A la pointe duquel se berce un baluchon
Qui contient son histoire et tout son avenir.
De quoi faire un bon feu au pied de l’horizon
Et conter fééries avant de s’endormir.
On a beau leur parler de ces pays gourmands
Où tout serait facile et fondrait dans la bouche
Ils cherchent les cailloux , dorment au pied des souches
Et le givre est pour eux le plus beau des diamants.
Les pays traversés dessinent une arche
Qui s’appuie sur le ciel. Quand s’épuise leur marche
Ils posent campement et de frèles fagots
Font un grand feu festif qui gomme les cahots.
Parfois de vieilles femmes à l’échine percluse
Leur donnent un peu d’eau et quelques talismans
Contre les âmes folles , les esprits chenapans,
Et ils repartent quiets dans la lumière qui fuse.
Les océans de sable sont une caresse..
Si un hasard de vague vient lécher leurs pieds,
Leur chair en est joyeuse, leur corne rassasiée
Ce message d’écume leur offre promesse
D’oiseaux en liberté goûtant les promenades
En ces pays lointains où il n’y a plus de cage
Et où les plumes d’oies écrivent des images
De chevaux cavalcades
A l’orée
Du silence
De la mer.