Toi l’ami dont le nom sonne encore,
toi dont j’entends ici, complaisante malice,
le crissement discret de la plume complice,
te souviens tu de nos œuvres de pitres,
incrustées à jamais au vernis des pupitres ?
Les instants de bonheur ne nous sont pas donnés,
ni le chagrin non plus ne nous est pas donné,
mais seulement prêtés,
pour être réclamés,
par l’oubli qui vient tôt nous reprendre son dû,
sans souci de celui qui veut garder sa dette...
Dès lors pourquoi rêver d’une joie qui perdure,
si tu peux t’acquitter de ce qui fait pleurer ?
Les souvenirs qui nous viennent n’ont cure de la chronologie des évènements vécus, leur émergence est sauvage, ils se mélangent allègrement pour nous faire revivre des moments heureux ou tragiques, pour nous rappeler que la vie est à la fois précieuse et une peau de vache... Ils explosent, se recomposent, se décomposent, semblent se faner pour ressurgir plus tard au croisement d’une silhouette ou d’un sourire au coin des yeux.
Arrivé à un âge, prudement qualifié de sage, pourquoi vouloir "y mettre de l’ordre", dans un album de photos ou un recueil de témoignages ?
Ce serait fausser le jeu de la mémoire !