(Hommage à Raymond CHANDLER, écho à Delphine)
Des vagues de silence noient les ports de l’angoisse ;
La nuit aux gants de brume broie les cœurs de passage ;
Un pont de solitude enjambe le paysage
Où des oiseaux strideurs battent la nuit qui poisse.
Une eau noire sur la plage dépose un baiser froid :
La mémoire du lac se rappelle l’hiver.
L’encre des sapins dresse à l’horizon sa mer.
Nous ne sommes que trois : toi, le lac et moi.
Mais toi, tu n’es qu’une ombre indécise et rapide,
Une vague présence, que je sais sans la voir.
J’allume une cigarette pour hâter mon suicide,
D’une flamme furtive, morte-née dans le noir.
L’écume du bonheur vient mourir à mes pieds ;
Les embruns du malheur viennent mouiller mes yeux ;
Comme il y a mille ans, sur le pont je m’assieds,
Et dans l’eau qui patiente, je déchiffre les cieux.
Puis enfin, je te vois, toi, la Dame du Lac …
Une corde à ton cou s’agite en entrelacs.
Tu devais être belle avant d’être ballon,
Sans cette coiffe d’algues dans tes cheveux blonds.
Ton cri silencieux que le courant emporte
A pour unique écho ton rigide abandon …
La corolle des lèvres, que les ténèbres portent,
Ne sera plus la fleur qui s’offre comme un don …
La nuit aux gants de brume broie mon cœur de passage,
Mais les grillons s’en foutent et grillonnent toujours …
Un pont de solitude enjambe le paysage …
Il ne me reste plus qu’à attendre le jour.
2003