Il dormait quand le bruit
Est tombé
Comme un poing sur la table.
Il lui faut se hâter,
L’heure des misérables
Est venue. C’est la nuit .
Il prépare à la hâte son manteau paysage
Tissu caméléon qui le fera se fondre
Dans la chaude pénombre.
Il n’y a pas de lune et son pauvre visage
Ne peut être une cible pour ceux de la Cité.
Mais par précaution
Il va à reculons
Vers cette tour de pierres nue d’aspérités
Et aveugle de portes qui va l’abriter .
Il a confiance et froid.
Son dos passe muraille, de ruelles en porches
Le conduit à la tour éclairée d’une torche
Qui s’était posée là
Sans qu’on sache pourquoi
Ni qui l’avait construite.
-Je ne suis pas en fuite
Je vais juste rejoindre ceux qui avant moi
Ont peiné en silence sans perdre la foi
Et se sont regroupés à l’intérieur des pierres
Imprenables et muettes.
Contre leurs porte-voix, je n’ai qu’une trompette
Contre leurs chars d’assaut
Un pauvre lance pierres
Et contre leurs obus, je me ferai oiseau."
Le mur est là, tout près, vibrant comme une peau.
Il y colle son dos au moment où un char
Ajuste son tir, rate, s’approche, vise..
C’est alors que le mur
D’une douceur exquise
L’avale tout entier.
Son être désormais va pouvoir témoigner
Pierre parmi les pierres, mémoire dans la Mémoire
Des Au-bord- de- la- ville,
Des Toujours en exil,
Que même à reculons on peut franchir un mur
Et ce mur est une Ile.
Les chars ne pourront pas
Tuer tous nos poèmes,
Bruler tous nos "Je t’aime"
Assassiner l’Amour que je ressens pour Toi....