-Je ne suis qu’un brin d’herbe
Pépiement vert
Ecrasé d’alentours aussi hauts que le ciel.
Et je n’ai pas de place dans ce monde qui bruisse et dont l‘ombre m’écrase.. » disait le genévrier, dont la pousse encore fragile tentait de boire la lumière entre les grands séquoias.
-Tu n’es pas qu’un brin d’herbe.
Attends un peu, attends un an.
Disait le vent
Qui cajolait les graminées..
Pas d’histoire, lui répond l’enfançon.
Je ne suis qu’un brin d’herbe
Ma tige se raffine et se pare de brun,
Phyllie encore souple que les regards jalousent mais ne laissent pas croître.
-Tu n’est pas qu’une tige, tes feuilles vont pousser, attends, attends, lui dit le vent cajolant les fourrés..
-Je ressemble à un arbre mais ma peau est si nue que je veux me cacher.. Liseron !!! Viens ici, habille moi de ténèbres, Ami, je n’ai aucun avenir dans ce monde que les grands arbres découpent en tranches aigues et arrogantes.
-Tu as tort, tu as tort,
Lui chante alors
Le vent..
-Je ne serai jamais qu’un arbre minuscule, pas un de ces grands chênes qui ombragent les prés, pas un de ces cyprès qui finissent de peindre la couleur du ciel.
-Tu as ta place à toi, petit arbre, tu as ta place, dit le vent qui transportait la glace. Attends attends les retrouvailles du printemps..
-Je ne serai jamais aussi beau que les autres, je veux que l’on me coupe..
-Ce serait bien dommage dit le vent ennuyé, car je sens pousser en toi de bien jolies baies qui verseront l’ivresse.
Pendant que l’arbre dormait, le vent dans sa promenade nocturne arracha le liseron avec moult excuses, puis de ses doigts puissants poussa l’arbrisseau vers les glaciers qui surplombent la montagne, méditation des nuages.
Le lendemain au milieu d’un tombeau de granit et de glace
Un arbre à la peau nue
Se dressait,
Tout confus.
-Je me sens solitaire comme l’or dans les creux des montagnes
-Tu es captif de tes craintes. Ne te rends pas à elles, dit le vent.
Laisse pousser tes feuilles, et tes fruits.
Tu donneras naissance aux enfants de la pierre.
Chacun en ce monde a sa place. La tienne est dans ce tombeau de granit et de froid. Tu te sentais nain parmi les géants , tu seras perles noires et tronc d’ivoire poli enchâssés dans la pierre.Tu connaîtras la rondeur des lèvres des enfants et des femmes, tu verras loin , bien au-dessus des cimes de ces grands êtres vivants qui mangeaient ton soleil, tu verras au-delà de l’horizon...
Chacun de nous a sa place, petit arbre...Il suffit parfois de sortir du cercle du connu pour la trouver..