Je colmate quelques pièces, quelques morceaux disparates quand les autres comatent. Quand ils comatent dans un comas bien profond, je colmate avec de la colle les quelques omoplates d’une carcasse cassée, d’un pauvre squelette, d’une ossature rouillée. Chaque pièce est un monde, chaque geste est une parole. J’entre dans les coulisses d’une ruine en perdition, en toute discrétion et je tente d’accoler quelques paroles, les une sur les autres. Je tente de transformer un tas de gravas en créature siliconée, en vieille fardée ou en chef-d’œuvre raté. Quelques peaux sont dispersées, à droite, à gauche. Quelques peaux humaines tatouées croupis dans quelques flaques colorées.
Tas de ratures en éruption.
Tas d’immondices du monde.
Le monde est immondice.
Le monde est clos et quand il est clos il referme des immondices.
Le monde est immonde, ce pourquoi il est monde.
Le monde est dégueulasse
Le monde est un arrêt sur image, avec bombes nucléaires et éclairs à la chaîne.
Le monde est une chaîne humaine, une prison pour primates déboussolés.
Le monde craint le monde, les gens, les peuples, les masses.
Le monde s’assoit sur son cul et c’est tout.
Le monde s’agenouille parfois, il est vrai.
Le monde s’éclipse derrière la lune, et disparaît derrière la lune, pour mourir derrière la lune.
Le monde est avare, il parle il parle il parle il parle beaucoup trop.
Le monde est coordinateur, communicateur, beau parleur, dictateur.
Le monde sait quand il ne sait pas, et il ne connaît pas tout.
Le monde est Dieu sans sa barbe, sans son drap, sans ses yeux pour voir.
Le monde est démembré, il n’a plus toute sa tête.
Le monde est sans bouche...
Le monde est sans voix...
Le monde est sans excuse...
Le monde n’a plus rien pour lui.
Le monde est Utopia, une source de rêves en fumée
Le monde est Heaven. Oui... Heaven sur terre...
Le monde est un jardin de délices
... de douces délices pour cœurs sensibles
... de tendres délices pour âmes seules
... de sources délices pour plaisirs solitaires
Car...
Le monde est un jardin d’Heaven
Le monde est un dé aux facettes multiples
... un coup noir
... un coup blanc
... un coup gris
Le monde est mort
Le monde est imaginaire
Le monde est une sphère, une boule, un atome crochu
Le monde est un tour de passe-passe
Le monde est une mascarade, un carnaval
Le monde où l’enfant est inhumanité
Le monde où l’homme est ver de terre
Le monde où s’entortillent des tonnes d’inconvenances
Le monde papier plastique, pratique
Le monde sous tutelle du monde, de lui-même, de l’impuissance
Le monde sous cellophane, cellule plastique, cellule psychiatrique, cellule réfractaire
Le monde sans amour, sans limite, sans sentiment
... les sentimentaux à la porte
... les cœurs en exil
... les exilés de l’Europe
... les coups de cœurs à coups de fouets
... les coups de matraques pour chaque coup de cœur
... au cœur de l’Europe les maux exilés
Le monde est une tâche noir
Le monde est mal digéré
Le monde est multi-tête, des yeux tout autour
Le monde millepattes
... ils piétinent les territoires
... voire le monde
... ils piétinent la Vieille
... voire le monde
La terre tête de mort
La terre « no man’s land »
La terre d’exilés en exil
La terre emballée
La terre à cratère
... aux terrains d’obus
... pour homme aux abus
... pour dogs aux abois
... pour la Vieille endormie
... voire pour le monde
La terre sous terre
La terre profondément s’enterre
La terre à mille lieux d’ici, de là, de partout
La terre quelque part à jamais
La terre très loin à des années lumières
La terre dans l’espace les galaxies
La terre tout seule comme un point en suspension, sans exclamer, sans interroger.
Le monde est sans rêve propre, tous sales
Le monde dictateur de rêves
Le monde dictaphone de saisons
... « Rêve ! Rêve ! Rêve le monde ! »
... « Aime ! Aime ! Aime rêver ! »
... « C’est bien ! Comme ça ! Continue ! »
... « Aux armes ! Et cætera... »
Le monde est une mauvaise herbe
Le monde est une mauvaise intention
Le monde est une mauvaise chute
Une mauvaise fin, une mauvaise péripétie
Un mauvais polar
Un monde de taulards
Un monde de porcs
Un monde scandaleux
Un monde est le monde
Le monde a des sandales bien que le temps soit sale
Le monde fait des claquettes et prétend jouer de la grande musique
Le monde s’autorise des extras les jours ordinaires
Le monde est super-ordinateur
Le monde est une ère électronique
Le monde n’a pas d’odeur
Le monde est un monde sans couleur mis à part du vert
Le monde est un monde
... des éclipses toutes les 24h
... des courses poursuites
... le trac des matraques
... les junkies à la trappe
... « Rêve ! Rêve ! Rêve le monde ! »
... « Rassures toi ! Il veille sur toi ! »
Le monde tient en l’air comme un nuage
Le monde en construction sur pilotis, sur échafaudages
Le monde est un bijou
Une femme endormie
Le monde est une ligne blanche
Un rail endiablé
Le monde est une drogue
Un petit sac de coke
Le monde est une boulette qui gravite
Le monde commence maintenant...
... maintenant...
... maintenant...
... et maintenant...
Le monde est une surface galeuse, avec des petits points par-ci par-là dispersés et disparates
Le monde est un Pays de Galles sans cervoise et sans cerveaux dispersés, disparates
Le monde est une péninsule, ibérique hispanique hellénique, qu’importe l’intérêt géographique
Le monde est ailleurs, il est en nage, il veut partir de l’autre côté pour voir son voisin
L’autre monde, le Nouveau, aussi ridé que lui et même plus encore
... la Vieille a mis ses bas, ça y est
L’autre monde, le Nouveau, avec des nouvelles idées, des nouvelles envies, des nouvelles conquêtes
... la Vieille va tomber, la Vieille oscille, la Vieille n’a plus de cheville
L’autre monde, le Nouveau, qui commence après... et après... et après...
... la Vieille perd sa couronne, elle roule par terre
L’autre monde, le Nouveau, n’est pas mieux, n’est pas pire
... The world saved the Queen !
L’autre monde, le Nouveau, n’est pas méconnu, n’est pas sauvage
... No future ! No future at all !
L’autre monde n’est pas visionnaire, n’est pas debout
... qu’on appelle sa sœur, son cœur a fini de battre !
L’autre monde n’est pas risible, n’est pas visible, il ne demande rien
... qu’elle reste muette ! Vite ! Et qu’on l’embarque !
L’autre monde est spectacle, un monstre de foire que les forains forent, forent, et forent encore
... Embarquez-moi ces barils d’eau douce !
L’autre monde est un brouillon de sa perfection, une Vieille cocaïnée
Le monde pousse sur les champs épuisés
Le monde pousse des cris et des chants épuisés
... des bouches et des dents qui crissent
... des bouches et des langues serpentins
... des souches et des branches sèches
... des souches et des blanches écorces
Le monde est une forêt dense
Le monde est un petit bois joli
Le monde est un tas de silure
Le monde est en feu, il brûle, il s’esquinte, il écume
... des bouches de secours, des cris à l’appel
Le monde ressemble à ça, désormais
Le monde s’étouffe sous la fumée
Le monde crapotte, capote
Le monde est KO, OK ?
Le monde est KO, OK ?
Le monde est dans le chaos et coule le long des quais
... « Au secours ! Un monde à la mer ! »
Le monde crisse le dimanche
Le monde au bain marie qui mijote à petit feu
Le monde saint père des cieux
Le monde est notre « Gros Frère »
... la sainte parmi les saintes est en train de mouiller
... « Au bain, Marie ! Et couche-toi là » dit-il
... le saint caméscope a raison. Il a raison.
... veuillez nous pardonner pour nos péchés, ils n’ont pas assez donné de bons fruits.
Le monde en jachère
Le monde à l’encyclopédie
... à l’encyclopédie le monde !
Le monde dans un livre, écrasé, sous poussière, sous vitrine d’antiquaire
Le monde en mots, en lettres, en syllabes muettes ou indicibles
Le monde au bâillon sur la bouche
... les exilés prennent l’exit
... la fuite, en transit, sans hésitation vers la Cité Interdite
... le péril jaune, l’invasion à l’envers, ils sont absorbés
Le monde dévalise les cerveaux, les esprits
Le monde crapotte quelques ragots, quelques mégots écrasés
Le monde une bouteille à la main et qui rote, capote
Le monde en cloque at ten o’clock pour enfanter
Le monde en trombe d’eau, en trompe l’œil, belle mosaïque, étrange musique
Le monde sur terre, les pieds ancrés et la tête en l’air
... sur des airs de musique sacrée, on décolle des pieds
... le nez collé dans les musées s’enivre des rides de ce monde
... « Admirez ! Admirez ! » qu’ils disaient
Le monde à cheval sur ses principes
Le monde expose sa relique vieille et son archaïsme chéri
Le monde ne vaut que ça, il ne vaut que ça, ça ne vaut que ça
Le monde sous cloche cassée au plateau bien doré malodorant
Et le monde dans ce monde ?
Et les points dans ce monde ?
Dans ce monde qui les regarde, les observe, qui les pouponne
Dans ce monde qui les protège
Qu’en est-il de ce monde ? De ces gens ? De ses silhouettes ?
Des silhouettes qui passent, qui s’arrêtent et qui continuent de passer
Des silhouettes de gens qui meurent et qui naissent sans s’arrêter
Des silhouettes plein la tête, plein le cœur, plein les tympans
Qu’en est-il de ce monde ? De celui-ci ? De celui-là ?
... tous les mêmes, ils ne diront rien
... même pas quelque chose
... même pas une intention
... s’ils sont creux ce n’est pas de leur faute, c’est à cause de Lui
De ce monde qui regarde passer les trains ?
... des kilomètres et des kilomètres de trains
... c’est fou comme il y en a, des trains
De ce monde qui compte les moutons ?
... des milliers et de milliers de moutons
... ils sortent des trains
De ce monde qui rit quand il se brûle, quand il est réduit en cendre ?
De ce monde vieux jeu, vieille terre toute rêche ?
... ce n’est plus ce que c’était
... a-t-il été déjà ?
Le monde ne se souvient plus de lui, il est amnésique
Le monde lobotomisé à la machette
Le monde en jupe de vieille sale, accroupi
Le monde sans sortie de secours, ni exit
Le monde est clos...
... le monde est clos...
Y a-t-il quelqu’un dans le monde ?
Des insectes sur site internet
Des sectes en checkup branchées sur la toile ?
... pas grand chose, des extras sans doute
Y a-t-il au moins quelque chose ?
....peut-être pas
... quelques points, des zéros et des uns
Des décennies que c’est Décembre, qu’il fait froid sous cette carcasse
Des décennies qu’il attend, le monde avec ses gens, ses « je » multicolores
Car...
Le monde est une salle d’attente, un trou d’exécutés envoyés à l’exécutive
Le monde est exigüe, un enclos électrique
... « ne touchez pas les bords ! »
... « les bords sont coupant ! »
... « les bords de mer sont dangereux ! »
Des décennies que la Vieille rit, elle rit, elle rit encore
Des décennies qu’elle est folle, qu’elle n’a plus de cheville
... où est la clé pour sortir ?
... où est la serrure ?
... où est la porte ?
Le monde est clos... le monde est clos
Avec des uns... avec des zéros...
Avec quelques points... des « je » errants
... où est la lumière ?
... où est l’air pour respirer ?
Avec des bulles à rêver... à dormir...
Et quelques points... des solutions essoufflées
Avec des potions magiques pour édulcorer
Et quelques grands manitous pour les grandes paroles
Les grandes incantations, les grands moments de l’Histoire
Le monde est une petite boîte, un rubik’s cube ridicule
... Pandor ! Tu dors ?
Il n’y a plus de soleil qui se lève sur le monde
Il n’y a plus de chaleur qui réchauffe le monde
Il n’y a plus de couleurs dans les fleurs du monde
Il n’y a plus de mot pour parler du monde
Tellement que le monde est immonde
Tellement qu’il y a des tas de ratures en éruption.
Tant que le monde est immondice.
Le monde est clos et puisqu’il est clos il referme des immondices.
Le monde est immonde, ce pourquoi il est monde.
Le monde est dégueulasse
Le monde est un arrêt sur image, avec bombes nucléaires sur commande
Le monde est une chaîne de primates déboussolés
Le monde demain sera hors norme
Il sera exemplaire