Auprès de la coque d’une yole ensablée
Un marin créole, silhouette râblée,
Débarque inlassable ses brassées d’apparaux
Qu’il pose dans le sable au milieu des coraux.
Près d’un muret massif que l’océan érode
Un hibiscus chétif au feuillage émeraude,
S’offre impudique et las au papillon joueur
Affolé par l’éclat vermillon de ses fleurs.
Contre une galerie sous de grêles piliers
Les bractées emmêlées d’un gros bougainvillier
S’écroulent en bouillons, en cascades violettes
Sur un vieux portillon aux volutes discrètes.
Un siège à bascule près d’un buisson de roses...
Paupières mi-closes, une femme repose.
Le marin la bouscule et gentiment l’embrasse
Puis à ses pieds dépose un rouget trois rascasses.
Au sortir du jardin, des roses porcelaines
Mélangent leurs parfums, leurs couleurs incertaines
A celles d’anthuriums aux coloris obscènes,
Dont le rouge cadmium fait égérie mondaine.
Plus loin des « becs d’oiseaux » aux piques orangées,
S’alignent insouciants en épiques rangées
Pour combattre un à un, à pointe mouchetée,
Un colibri mutin aux plumes tachetées.
La piste s’évanouit dans les frangipaniers
Renaît dans un vallon couvert de bananiers
Puis se perd à nouveau dans un grand champ de canes,
Où sommeille un planteur appuyé sur son âne.
Tout le long du chemin des canas flamboyants,
Se dressent fièrement en bouquets ondoyants,
Qui ondulent au vent comme des oriflammes,
Eclaboussant l’allée de sang d’or et de flammes
En haut du morne clair planté de corossols.
Une passiflore cherche à quitter le sol,
S’enroulant lascive sur l’aile d’un moulin
Qui tournoyait jadis aux alizés marins.