Ô flots ténébreux qui connaissez les malheurs
Des gais marins - tous forts et vaillants randonneurs -
Qui montent en croupe vos flancs tumultueux !
Conterez vous toujours les récits fastueux
Pour qu’aux pâles clartés, endormis des chagrins,
Tous vous sacrifient l’aube des tristes matins ?
Ils disent à leurs Chers, à leurs cœurs : - moussaillons
Nous en sommes ! Fiers, nos pères en furent : - RAILLONS !
Bravons la torture des escales votées,
Des censeurs de Bruxelles, des penseurs bottés !
Que nos filets luisent des trésors éphémères
Et nourrissent - ô beaux cieux - nos enfants et leurs mères !
Vous, flots amers, les entendez-vous qui réclament,
Douce folie, temps obscurs, de mêler leur âme
Encore et toujours à vos gouffres vagabonds ?
Or pour ne pas dire pardon ils disent : - ALLONS !
Mais les filles de leurs fils, carmin des chemins
Sur la grève grise, recomptent : - quels demains ?
Car toutes le savent ! Ces frêles femmes fortes,
Elles savent toutes que les raisons sont mortes .
Ah ! pères des pères des valeureux pêcheurs
Comme vous souffrez dans vos sinistres fraîcheurs !
Vos yeux vides et froids au trépas éternel
Portent pourtant un humide iris paternel
Quand, accablés, vous voudriez dire : - PARTEZ !
Mais qu’ils chantent l’exemple des pères restés.
Oh ! Dieu ! Ils n’ont pas compris, ces preux chevaliers !
L’immonde monde et ses financiers sont altiers :
Aujourd’hui, l’on dit Nikeï, Nasdaq ou CAC ;
Pour s’amender l’on jette les décrets en vrac !
L’on détruit les bateaux, désarme les navires
L’on achète les fiertés des euros de l’ire !
Les femmes avaient raison : - à sac les raisons
Pour ces nantis ! - La moisson est toutes saisons !
Alors qu’ils sont parias, ils se prétendent juges !
Fuyez margoulins, cuistres, sinon le grabuge
Frappera les vils de son roturier courroux ;
Au noble temps, coquins vous jouerez sur la roue !
Ah ! Horace, Juvénal, Hugo : trismégistes !
Que de saintes satires coulent, ô bons légistes
Et qu’en ce siècle tourmenté pareil aux vôtres,
Elles fondent et cheminent et répandent en apôtres
Vos idéaux des raisons aux hommes encor’ fiers !
Les combats du temps sont ceux que vous fîtes hier :
Les corps saignaient ? Poètes, vous disiez : - PRESENT !
Et l’âme indignée publiait « Les Châtiments » !
Noël F. 15 novembre 2008