Il y a ce chien, sur le perron de la porte qui attend pour entrer et qui n’entre jamais.
Il a pris tant de coups de bâton qu’il marche couché, le ventre à terre, toujours à se cacher.
Derrière la porte, ils sont là ! Les maîtres ! A compter la récolte et siroter du vin mauvais.
Dans le bruissement des billets il y a des rires étouffés et de la bave sur les lèvres
Qu’on essuie avec le dos de la main et puis qu’on finit par cracher.
Les yeux brillent et sont humides, ça sirote et ça sue, les sourires sont mièvres.
Alors on alignera les billets dans la boite à biscuits qu’on rangera dans le buffet de la vieille
Celle qu’est morte y’a un an, qu’on a louangée pour la première fois à son enterrement.
Forcément, elle avait tout légué, la maison, les terres et les vaches, le chien aussi.
Elle est morte dans la cuisine sur son fauteuil pendant qu’on sortait les bouteilles.
On l’a regardée s’éteindre la bouche flasque comme les autres, en souriant de contentement
Et en se disant que cette fois-ci on allait toucher gros, qu’on avait enfin réussi.
Et puis c’est qu’elle en donnait du travail, la vieille, en plus des bêtes !
C’est qu’on les aime les bêtes à les charrier de prés en étables, toutes crottées..
Etre paysan c’est du labeur, faut pas croire qu’on est toujours à la fête.
D’ailleurs on tire pas de bilan, on compte et on recompte, l’argent faut pas l’user.
Mais il faut vider les verres, c’est l’heure d’aller tirer le lait, corvée !
On sortira de la maison qui sent le gras, le caillé et la mauvaise transpiration,
Sans oublier de donner un coup de pied au chien sur le perron !
C’est que c’est un dur métier, paysan..