Dans l’île de Zaroff se lève le brouillard
Au moment où l’esquif d’Anne-Tatane accoste
Point de vie, point de jeux, même pas une poste,
Endroit déconseillé à vrai dire aux trouillards.
Jean -Tarte, cousin de la belle Anne-Tatane
Tend l’oreille à la brume et souffle à la bell’brune :
Tu n’entendrais pas comme un bruit de tam-tam ?
Si réplique Tatane, c’est l’journal de la Une.
Il annonce ce soir l’arrivée de la Queen !
Va y avoir une fête, faut être de la partie !
Sitôt dit, sitôt fait et les voilà partis
En petites foulées vers l’ombre citadine.
Un panneau leur annonce : « porte des géants »
Et un autre propose : « porte des pantins »
N’étant pas marionnettes, ils optent pour « géants »
Mais trouvent porte close, haute comm’ l’Aventin.
Ben, c’est pas sympa, comment va fair’ la Queen ?
S’étonne Jean-Tarte en se grattant le crâne.
Mais il s’interrompt en voyant Anne-Tatane
Se figer, les yeux ronds, regardant la colline.
La veuve de King-Kong qui descend sur la ville !!
Dix mètres, 30 tonnes de grâce relative,
Appâts très discutables qui tombent aux chevilles,
Mais dans son œil méchant brûle une flamme vive !
Elle enfonce la porte sous le bruit des tams-tams
La voici mufle à nez avec Jean et Tatane !
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« Qu’il est mignon c’ petit » dit-elle en lorgnant
Le malheureux Jean-Tarte qui de stupeur pâlit
Tandis que le front pur de Tatane s’assombrit,
Signe que la moutarde est à son nez montant.
Tu causes à mon cousin, vieille guenon poilue
Et pas touche, veux-tu, sinon je te castagne !
C’est pas parc’ que t’es haute comme une montagne
Que l’on va se coucher devant ton poing mafflu !
« C’est que, je suis bien seule depuis que le King
Est parti tourner aux studios d’Au-lit-Wood,
Plus aucune nouvelle, à croire qu’il me boude,
A moins que ce ne soit cette blonde platine !! »
Alors Anne-Tatane, écrasant une larme,
Explique à pauvre Queen comment Kong a fini
En courageux héros et sous le feu des armes
De singes blancs sans poil qui méprisent la vie.
Queen Kong se redresse et dit : « merci petite ! »
Puis tristement repart, écrasant au passage
Les arbres de la jungle où hier, dans un autre âge,
Ell’trouvait près de Kong de l’amour en pépites.
Ulysse
Décembre 2006