Gavez moi de vos injures.
Emplissez ma bouche de morale, jusqu’à ce que je ne puisse plus avaler le moindre de vos mots.
Que vos bonnes intentions se mêlent à mes larmes de rage, et qu’elles souillent mon menton de leur graisse bienveillante.
Que ma gorge explose.
Que la peau de mon ventre, tendue à l’extrême se déchire.
Que mes intestins s’étalent sur ce sol couvert de jugements.
Oui petite fille regarde bien mes tripes, mes monstrueuses tripes, sacrifiées sur le trottoir.
Emmurez moi vivante dans la maison du secret, où les mensonges suintent sur les murs rongés de moisissure.
Que le silence m’écrase, que la solitude broie mes membres, que mes os craquent et cèdent sous le poids de l’oubli.
Que chaque souffle devienne souffrance et se perde dans l’obscurité, sans un écho, sans un bruit pour le retenir.
Et que mon corps se flétrisse, qu’il se couvre de rides.
Que mes cheveux tombent en poussière.
Oui petite fille regarde bien ce vieux corps tordu. Qu’il est laid et méprisable. Qu’il est impuissant aussi.
Et quand vous en aurez fini, alors seulement,
Enterrez moi dans la boue et benissez de vos crachats mon corps impie.
Qu’on me laisse pourrir dans la fange et l’opprobre.
Que mes membres rances soient laissés aux vers.
Que l’enveloppe tombe en lambeaux et laisse échapper le vide,
Le vide seulement,
Car il n’y a rien, surtout pas une âme.
Rien à sauver, rien à voir,
Petite fille passe ton chemin.