Voilà longtemps que j’ai laissé mon foyer
Mon île brune et sa moiteur de glaise
Pour de lourdes chimères azurées
Et leurs lumières nacrées de braises.
Dans mon périple incertain et chaotique
Ivre de vin sucré et de miel d’Abyssinie
J’ai vu tout un cortège de visions oniriques
De parfums musqués et d’autres fleuris.
J’ai vu une salamandre aux reflets pailletés
Jouer du luth derrière une feuille de thé.
J’ai vu une pipistrelle effrontée et pipelette
Converser avec un paon sur une escarpolette.
J’ai vu le soleil se coucher dans l’océan
Après avoir lissé les plumes d’un cormoran.
J’ai vu la pluie piquante couler en ribambelle
Vers des rivières nourries de cette eau immortelle.
J’ai vu le temps et son terrible chronomètre
Manger des vol-au-vent avant de disparaître.
J’ai vu un ange qui passait par là,
Le silence se fit et tout se brisa.
Je me réveillais alors, bercée d’amertumes
Un cri coincé aux bord des lèvres.
Les yeux embués et remplis d’écumes
Suant le feu et brûlante de fièvre.