Ecoute. Le vent froid aux cailloux de la route
Aiguise lentement, invisible ouvrier,
Les serpes et les faux de ses bises d’acier ;
Le pas du Temps résonne au carrefour. Ecoute.
Ecoute. Au loin déjà les fleurs s’effeuillent ; toute
La prairie alentour frissonne, et tout entier
Le grand arbre frémit au souffle meurtrier ;
Et sa Dryade en lui va saigner goutte à goutte.
Les bucherons, liant le fagot et l’écorce,
Vont dépecer hélas ! ta stature et ta force ;
Ton ombre a marqué l’heure à ta chute ; mais sache
Au soir de quelque automne orgueilleux de ta mort,
Parmi l’effondrement de ta parure d’or,
Tomber au moins hautain et grave, sous la hache !
Henri de Régnier