De Gwadloup j’ai gardé de superbes images.
Non loin de Port-Louis, il était une plage
Ruban de sable blanc bordé de cocotiers,
Le long d’une mangrove aux grands palétuviers.
En cet endroit passait la subtile frontière
D’un côté monde obscur et de l’autre lumière.
Sous le sable courrait la fragile lisière
Entre ces deux contrées aux hostiles manières.
J’imaginais entre d’ opaques frondaisons,
Les sombres traquenards d’un lieu de déraison,
Où des arbres géants s’enfonçaient dans la fange,
Creusant des trous béants pour des crabes étranges.
Quelqu’un m’avait parlé de ces mancenilliers
A la sève de feu, au baiser meurtrier.
L’image m’obsédait, partout je les voyais
Sous les feuilles ridées d’arbustes dévoyés.
Et de l’autre côté, sous le soleil tropique,
Scintillait le miroir des eaux de l’Atlantique.
La plage immaculée dessous mes pas crissait,
Entre deux chuintements l’océan languissait.
Sous les transparences de l’eau se devinaient
Des pavés de corail aux formes burinées,
Où poissons de rocaille et murènes s’invitaient,
Au grand dam des pêcheurs qui non loin habitaient.
Avec curiosité j’observais ces voisins,
Toujours à s’éviter et si proches cousins.
Lorsque soudain je vis sur le sable embrassés,
Deux corps juvéniles tendrement enlacés.
Une jeune métisse à la peau pain d’épice,
Et un gamin fluet aux cheveux clairs et lisses.
En pays créole, mangroves et lagons
Copieront les hommes et un jour s’uniront.