Bruno ZAPPA
LUCUS
Je franchirai l’Orbieu, longerai les platanes
Je saluerai le vieux appuyé sur sa canne
puis au bout du voyage au bout de mes pensées
au pays des cigales, je serai arrivé.
C’est un petit village aux toits de tuiles blondes
offertes au feu du ciel sous sa voute profonde
Et sous ce baldaquin si pur et si intense
aux chaudes nuits d’été quelques étoiles y dansent
Là des mûres s’agrippent sur la chaude muraille
où des clés de Saint Pierre en parcourent les failles
les ruelles sont calmes et les volets tirés
à croire que le temps semble s’être figé.
Il n’y à plus hélas le charme désuet
des animaux de trait, des ânes ou des mulets
les sabots du cheval aujourd’hui disparu
ne sonnent plus jamais sur le pavé des rues
Des pierres de grès rose, mémoires de l’histoire
de Simon de Montfort aux chevaliers cathares
s’élèvent fières et dignes en oubliant le temps
muettes en souvenir des combats et du sang
Un océan de vigne que le Mourrel parfume
une veine d’eau verte où le raisin vient boire
l’olivier si sauvage l’amandier solitaire
sont de ce paysage les acteurs des Corbières
Notre dame s’élève le temps ne l’oublie pas
Ses cloches dont le timbre est porté au-delà
du cers ou du marin, doux complices d’Eole
les emporte aussi loin que dure leur envol.
Et puis le dernier jour dans l’ultime carrosse
pour un dernier voyage au chemin de Canos
à l’ombre des cyprès tremblants comme des flammes
reposent à jamais les secrets de nos âmes.