Parlez moi poésie et très peu de technique,
Parlez moi poésie mais pas de polémique.
Dites moi vos regrets, vos tourments, vos amours.
Ne cherchez pas bien loin ce qui est alentour...
S’il y a de la forme, hé bien, formez vos lignes,
Vos strophes ou vos vers selon cette consigne,
Mais n’allez pas chercher des élucubrations
Chez quelques forcenés de la contestation.
Vous trouverez toujours quelques censeurs caustiques
Qui cherchent dans les vers de la mathématique,
Qui font des théories à s’endormir debout
Et vous servent sans fin des recettes de tout.
Tant de ceci, cela, et pas tant de ce reste,
Ça, juste une pincée, et ça, tout juste un zeste.
Et puis, calculez bien avec votre boulier
S’il y a ce qu’il faut de verbes réguliers,
Pas plus de trois ici, ici une douzaine,
Et mettez donc ici tonton, et pas tontaine !
Surtout les adjectifs, n’en mettez que très peu,
La poésie en meurt, voyez, à petit feu !
Soyez entreprenants, soyez des temps modernes,
Laissez les vers courants aux anciennes badernes.
Faites dorénavant des poèmes obscurs,
Des rimes éclatées qui font péter les murs,
Des vers atrophiés en gargouillis infimes,
Qui n’ont pas plus de sens que ce qu’ils ont de rimes.
Et puis sortez d’ici, sortez donc de chez nous,
Allez donc étudier la poésie zoulou,
Même sans traduction, vous verrez, c’est sublime,
Inspirez vous de ça plutôt que de la rime.
Ah ! Le vers eskimo, le vers des Hottentots,
Les poèmes anciens du temps des Ostrogoths,
Ecrits en runes mais pétris dans l’authentique,
Le parfum est plus fort, et le sens, esthétique.
Foin des vers de Villon, de Pétrarque, d’Urfée,
Laissez aux béotiens les vers des Choryphées.
Le modernisme enfin, il se mondialise,
Je ne sais pas l’Hindi mais je le théorise.
J’en tire des leçons, comme si je savais...
Du Cafre, du Dogon, comme s’il en pleuvait...
Les textes des Veddhas, les graphes des brahmanes
N’ont plus aucun secret sauf pour tous les vieux ânes,
Ceux qui en sont restés à Rimbaud, à Marot,
Surtout au père Hugo, ceux là sont des zéros !!
Allons ! Atterrissez. Parlons de poésie,
Parlons de ces écrits qui colorent la vie.
Disons avec des mots simples et des caresses
Nos peurs et nos démons, nos joies et nos tristesses.
Laissons la théorie à ceux qui ne font rien
Que désigner du doigt des faits lilliputiens,
Des comptes saugrenus et des règles étranges,
D’étranges conventions et de suspects mélanges.
Nous avons un passé, un acquis de chez nous,
Une culture enfin, un héritage à nous !!
La poésie déjà, c’est assez difficile
Sans qu’on aille chercher des règles imbéciles,
Des tâtillonnements, des poux dans le quatrain,
Des règlements issus de ces pays lointains,
Des rythmes qu’on entend quelque part en Afrique
Ou bien dans des contrées plus ou moins exotiques.
Et laissons notre plume exhaler ses rancœurs
En un mode qui soit accessible à nos cœurs
Laissons nos amitiés éclairer cette route,
Ne laissons pas l’amour moisir dans une soute.
Parsemons nos couplets avec des émotions,
Pleurons notre douleur et chantons nos passions.
Poussons notre chanson, nos rires, tant de choses,
Dans des vers, des quatrains ou même de la prose...
L’important dans cela, c’est ce que l’on a mis
De soi même et des autres au fond de ses écrits.
Parlez moi poésie, et très peu de technique,
Parlez moi poésie, mais pas de polémique...