Il fût un temps de la légende où l’on disait :
Les ‘nègres’ sont cannibales, ils mangent les enfants !
Au temps d’hier et d’aujourd’hui les noirs meurent,
Dans les sillons pauvres de leur lopin de terre,
Des hommes meurent dans la peur et la misère,
Et leurs enfants sèment le sorgho dans les cimetières.
Il fut un temps de la légende où l’on disait :
Les ‘nègres’ crèvent d’ignorance,
Ce temps de la légende est-il passé ?
Nos frères crèvent d’indifférence,
Et ceux qui restent sont rebelles,
Et leur sang rouge et leurs yeux blancs,
Sont des étoiles au ciel de la guerre.
Il fut un temps de la légende,
Un temps des hommes méprisés,
Il fut un temps des corps brulés,
Un temps des galères et des croix.
Il fut un temps de la légende,
Et des enfants au fond des mines,
Il fut un temps de la famine,
Il fut un temps des ouvriers,
Aux tempes creuses, aux lèvres mortes.
Il fut un temps de la légende,
Et des fleurs blanches devenues fées,
Ce temps, ce temps, est-il passé ?
J’ai vu briser des fronts, immenses de douceur,
Des yeux déchirés en plein ciel,
Et des poitrines piétinées,
Des corps abandonnés sous le soleil.
J’ai vu les provinces bruler,
Les jours ressembler aux nuits,
Jamais je ne les ai vus abandonner l’espoir.
Tous compagnons de notre terre,
A chaque village libéré enfin,
L’espoir renaît de leurs mains,
Le rire des enfants, la quiétude des mères.
Pour nous, le temps de guerre a trépassé,
La paix nous lie aux lendemains.
Sous les arbres verts de tendresse,
Le temps de la légende est passé,
Le temps de la légende est passé.
Mais dites-moi si ce temps est passé,
Pourquoi nos frères en prison ?
Et nos yeux noirs sans amour ?
Pourquoi la peur et les barreaux ?
Sur le visage noir de mes frères ?
Si ce temps là est passé,
Pourquoi le cri des peuples de couleur ?
Et chaque soir un nouveau foyer...
Pourquoi meurent ceux qui sont nés libres ?
Et chaque soir nos frères qui tombent ?
Si ce temps est passé,
De quoi se plaignent ceux qui sont libres ?
Chaque soir ce même cauchemar,
Chaque soir, ces mêmes voix,
Ces chants, ces cris et ces croix...
Si ce temps là de la légende est passé,
Pourquoi le drapeau noir de la colère ?