Etre vieux, que voilà un moment délicieux
Paré d’une retraite, armé d’une pension
Sexagénaire nanti, la chance d’être vieux !
Votre partenaire lorgne la reversion
Lorsqu’enfin délivré des tracas quotidiens
Vous vous endormirez en quittant tous vos biens.
Etre vieux c’est aussi l’instant privilégié
D’une conscience claire, et d’un cerveau alerte
Bien sûr vous n’êtes plus sur une course à pied
Roi de la prouesse, redoutable est la perte
Car il n’est pas si loin le temps de vos exploits
Et l’artiste s’aigrit en perdant son emploi.
Etre vieux un beau jour, c’est endurer ce drame :
Devenus superflus, exclus par ses enfants
Fallait-il qu’ils soient forts tout au fond de leur âme
Pour accepter le sort qu’on fait à ses parents.
L’heure est à la jeunesse, il faut bien qu’on s’y fasse
Quand le temps est venu, il faut laisser la place.
Etre vieux n’est-ce pas, c’est perdre la raison
Ne plus se souvenir d’avoir connu la gloire
Egarer ses lunettes, oublier sa maison
Confondre les visages et rester dans le noir.
Sainte vicissitude, corpus penibilis
Ayez pitié de nous ne creusez pas les plis
Etre vieux, c’est parfois, donner aux tout petits
L’image de la mort, faire peur aux enfants
Par pudeur cachez-vous ! Papy est de sortie
Il reviendra un jour. (Les poules auront des dents).
Si l’âge est supportable, la carence d’amour
Est une maladie qui abrège les jours.
Etre vieux, c’est savoir ! C’est, le moment venu
Quitter la compagnie, emporter avec soi
Les mots qui faisaient mal, qui mettaient l’âme à nu
Ils ne les diront plus... Alors on s’aperçoit
Que nos chers disparus étaient indispensables
Quelle chienne de vie, nous sommes bien coupables.
24 mars 2005