Roger, 60 ans, un drôle de petit bonhomme, taiseux à son arrivée au service dans la position difficile d’une personne remise au travail dans un circuit de réinsertion professionnelle.
Roger, un petit bonhomme très drôle, ouvrant progressivement son cœur et son esprit, découvrant par-là une immensité impressionnante d’émotions et de culture.
Roger une vie remplie, débordante, une vie tellement cruelle aussi.
Roger, revenant des Philippines, meurtri,
détruit mais pas abattu.
3 années de prison, torturé et battu.
Roger quel crime avais-tu commis ?
A part celui d’avoir tout fait pour récupérer ce fils,
enlevé par sa mère,
avant qu’elle ne le vende à des pervers.
Roger, rentré, Roger cherchant à se recomposer,
aimant éperdument ce fils perdu enfin retrouvé,
ce fils enfermé dans le mutisme,
au bord de l’autisme.
Roger, j’ai vu ton fils, il a eu treize ans ce matin et il va bien.
Il n’est plus du tout cet enfant replié que tu nous as présenté.
Il va beaucoup mieux, son regard est éveillé.
Il était bien entendu fort triste, tout comme nous, ce matin.
Pour ce dernier adieu.
Roger, Kenneth est orphelin,
mais il est en de bonnes mains,
et nous veillerons tous, sois en certain,
à en faire un homme ‘bien’ !
Roger DeWolf, notre collègue a été enterré ce matin.
Grâce à son courage et à sa pugnacité, son fils Kenneth a échappé de justesse à l’enfer des trottoirs de Manille. Sa mère s’apprêtant en effet à le vendre à un réseau de prostitution !
Il est maintenant sous la garde d’un orphelinat appartenant à l’institution publique sociale pour laquelle nous travaillons mes collègues et moi. Nous nous sommes engagés à le suivre.
Pour ceux qui ne le connaissaient pas, Roger était un petit bonhomme insignifiant. Pour les autres, dont nous faisions partie, c’était un homme petit par la taille mais immense par l’esprit, un homme riche, intelligent et bon. Passionné par l’histoire, la philosophie, par les cultures et religions asiatiques. Ecrivain à ses heures, un homme que la vie n’a pas épargné, un homme profondément marqué mais qui jamais ne se plaignait.
Roger as-tu idée de tout ce que tu nous as apporté pendant ces 2 années ?
Quel désespoir, nous espérions tant que tu trouves enfin la paix et que tu puisses avoir le temps d’aider ton fils à oublier les mauvais traitements.
Malheureusement la vie (ou la mort ?) en a décidé autrement.
Tu te savais malade depuis quelques mois, jamais ne t’es plaint, tu ne craignais pas la mort, tu t’inquiétais pour la vie de ton fils, tu regrettais de ne pas avoir le temps de lui transmettre ce que la vie t’avait appris, le voir grandir...
Tu ne craignais pas la mort, mais une fois les soucis réglés, ton fils à l’abri, elle t’a rattrapé...
Tu es parti trop rapidement, il y a quelques jours, d’un cancer généralisé...
Saches, Roger, que ce n’est pas la première chose de toi qui nous ait ému...,
mais c’est bien la première qui ne nous ait, en même temps, donné la pêche !