L’amour engendre toutes sortes de troubles de la vision, le plus connu étant la cécité passionnelle.
Mais on peut également citer :
les mal voyants de la convoitise qui prennent leurs désirs pour des réalités et se font des films ;
les myopes qui, en situation amoureuse, voient bien mieux avec leurs mains qu’avec leurs lunettes ;
les daltoniens qui confondent le feu rouge d’un refus avec le feu vert d’une acceptation ;
ceux qui louchent sur des anatomies alléchantes et qui voient double, ce qui est normal, quand ils plongent leur regard dans un décolleté généreux ;
les astigmates de la chose qui perçoivent dans la forme de leur sexe celle d’un cerveau et vice versa ;
les presbytes qui remarquent de façon beaucoup moins floue les jeunes proies que celles de leur âge ;
les nyctalopes qui, le jour, voient le mal partout et, la nuit, découvrent le bien partout et surtout en certains endroits obscurs ;
ceux qui sont atteints de strabisme divergent en ayant un œil sur la mère et l’autre sur la fille ;
les voyeurs qui ont une vision au dessus de la normale et en dessous de la ceinture,
On dénombre aussi :
ceux et celles qui voient rouge quand on les trompe et les mêmes qui ne voient rien d’anormal dans leur propre infidélité ;
ceux qui, en galante compagnie, ont des yeux derrière la tête pour déshabiller du regard d’autres avenirs ;
celles et ceux dont leur moitié leur sort par les yeux ;
ceux et celles qui sont éblouis par eux-mêmes et ne trouvent jamais de partenaire à leur mesure ;
les couples dont le conjoint devient totalement transparent après quelques années de vie commune.
Et on identifie par ailleurs :
les visionnaires qui imaginent savoir faire tout ce qui rend l’autre heureux ;
ceux qui n’aperçoivent partout que des femmes frigides ou au contraire que des nymphomanes ou encore - les plus handicapés - que les deux simultanément ;
celles qui hallucinent en permanence sur des menteurs ou des obsédés sexuels, ces derniers étant forcément des menteurs, l’inverse n’étant pas vrai notamment en termes de capacités ;
les femmes qui ne repèrent que des tirelires ambulantes ou que des radeaux pour naufragées ou - les plus redoutables - que les deux à la fois ;
tous les hommes et femmes qui transfèrent sur l’autre leur vision d’eux-mêmes et qui sont donc systématiquement déçus puisqu’à chaque fois ils ne rencontrent qu’eux-mêmes.
Et enfin, enfin, on ne peut clore cette liste sans mentionner la vaste foule des innombrables de tous âges et de tous sexes qui se projettent des fantasmes sur leur rétine pour faire l’amour.
S’il en était besoin, cet inventaire prouve bien que « on ne voit bien qu’avec le cœur » qui donne à notre perception de l’existence une lumière qu’elle n’aurait pas et la nécessité vitale de l’Amour se mesure aussi à l’aune de ses déviances … avec un brin d’humour qui rime avec amour !