Deux heures, ou plus, accrochée au volant comme à une bouée.
À fixer la route pour ne pas penser.
Rétro, clignotant, rétro, clignotant, lignes continues, lignes de fuites...
Sans ce bouchon à l’entrée de la ville, jusqu’où aurais-je bourlingué ?
Pas bien loin sans doute, pas vraiment le profil d’une aventurière.
Première à droite, zone marchande. Des hangars tôlés, bouches automatiques boulimiques avalent et vomissent leurs clients anesthésiés, gavés eux aussi.
L’enfilade de ronds points amplifie le tournis de mon cœur.
Enfin, des ruelles, des immeubles de pierre et leur histoire écrite sur les enduits, des portes entrouvertes, des géraniums aux fenêtres, deux vieilles qui commèrent, un chat fouille une poubelle.
Une église sonne l’heure.
Il est temps que je m’arrête.
Sur la grande place du centre, le « café des sports » règne en maitre.
Installée à la terrasse, je me laisse absorbée par l’agitation venant de l’intérieur. Cliquetis des verres, les jurons des parieurs, billevesées débitées par le barman aux deux jeunes filles accoudées au comptoir. Elles rient et batifolent, sans hier sans demain.
Seule l’arrière salle est muette, billard et baby-foot attendent les sportifs.
A mes pieds, insensible au monde qui l’entoure, une fourmi traine une brindille.
Elle suit sa voie.
Je ferme les yeux un instant, alors comme un boomerang me revient la douceur de vos mains sous les blancs bougainvillées.
2011