AVC - 2

 Bonjour monsieur, comment ça va ?
Tu parles d’une question, j’ai un sac plein de vomi entre les mains au cas où. La chemise débraillée, d’ailleurs je ne me souviens même plus de l’avoir déboutonnée. Je pue la sueur, j’ai toujours les yeux en vadrouille et elle me demande comment ça va.
Sans me laisser le temps de répondre elle poursuit en s’adressant au pompier.
 Vous avez pris ses constantes ?
 Tension 135 /80, pouls 82 et SAT à 96. Pas de perte de connaissances, vision double et vertiges.
Mon pote en bleu débite tout cela d’un seul trait, je lève les yeux vers lui et je découvre que non seulement il a 4 mains mais en plus il est bicéphale, toute comme la femme en blanc qui me regarde comme si j’étais un extra terrestre. Elle aussi est bicéphale, mais au lieu que ses 2 têtes soient cote a cote, elle a en une au dessus du cou et l’autre sur la poitrine. J’ai vraiment pas de bol on m’a envoyé dans un centre de siamois.
 vous êtes tout pale, ça ne va pas ?
Bien sur que non, que ça ne va pas, c’est pourtant évident, je rends tripes et boyaux, je ne sais plus ou se trouve le sol et tous ceux que je croise sont des monstres avec un nombre anormal de membres et 2 têtes, en plus maintenant le pompier et l’infirmière ont échangé chacun, une de leurs têtes. J’y vais de mon 3^e dépôt de gerbe, hommage nauséabond que je rends à la stupidité de sa question et je la regarde droit dans les yeux. Enfin j’essaye de la regarder en face, car celle-ci ne cesse de se dérober à mon regard et elle tient plus d’une peinture de Picasso vue au travers d’un prisme que d’une madone italienne au sourire angélique.
 ne bougez pas je retire vos lunettes. Fermez les yeux. C’est bon maintenant allez-y.
Allez-y ? Où veut-elle que j’aille cette gourde ? Comme si j’étais capable de tenir sur mes jambes avec ma vision binoculaire. Je vais lui montrer, elle va peut être comprendre une fois qu’elle m’aura ramassé par terre. Bon, je me lance.
J’ouvre les yeux et je fais mine de me lever. Je fais seulement mine, grise mine, même. Bons sang, ils sont combien devant moi ? Et c’est quoi cette architecture biscornue ? Il n’y a pas un seul mur droit et on se croirait sur le Titanic en pleine tempête. Je vois double, triple, quadruple, je devrais tenter ma chance au quinté, je suis sur de gagner dans l’ordre et avec le bonus en plus. Ma respiration s’accélère, c’est une boule d’angoisse qui monte, je pensais faire le mariole en roulant des yeux comme des billes de loto pour montrer ma maîtrise de la chose. Et voilà que je ne suis pas loin de tourner de l’œil devant une infirmière et un pompier.
 monsieur ? Monsieur ?
Je suis saisi d’une vraie crise de panique, je ne contrôle plus mon corps et de nouveau j’ai envie de rendre. Je suis blanc comme un linge d’après ce que raconte la poupée siliconée qui maintenant fait les yeux doux à mister plis impeccable qui est soudainement apparu devant moi. Je cligne des yeux, une fois, deux fois, le monde autour de moi continue sa valse hésitante.
La bonne nouvelle, c’est que finalement la bimbo me propose de m’allonger sur un brancard, c’est donc moi qui a la cote et pas monsieur muscle. Si en plus elle est nue sous sa blouse tout est pour le mieux... Je tente de couler un œil dans l’échancrure de sa blouse et encore une fois mon œil gauche décide de regarder ailleurs pendant que le droit cherche le décolleté ravageur. Histoire d’en avoir le cœur net, je ferme mon œil gauche pour le priver de la vision de rêve et instantanément tout revient à la normale.
Je découvre que la blonde n’a rien d’une pin up de papier glacé et la seule chose professionnelle chez elle n’a rien à voir avec les prestations tarifées des filles de joie. Les pompiers en ont profité pour s’éclipser, les lâcheurs, je me retrouve dans les griffes d’une harpie qui me remonte sans ménagement la manche de la chemise pour me prendre la tension. Dans le même temps une autre pimbêche que je n’avais pas vue me saisit le poignet droit et m’annonce froidement, sadiquement même :
 Attention je pique.
 Ouch.
La vache, je le sens bien qu’elle me pique, elle doit être cousine avec un frelon, d’ailleurs l’agitation qui règne autour de moi a tout l’air de la ruche.
Une blague débile me revient en mémoire, quel est l’oiseau que l’on trouve toujours près des abeilles ?
C’est l’autruche, parce que quand il y a une ruche il y a toujours a coté une aut’ruche...
Miss guêpière, poursuit :
 ne bougez pas on vous perfuse, ça va vous soulager.
De l’autre cote, la première infirmière continue de gonfler le brassard a tension, elle me fait mal cette conne, ça serre trop fort et tout ce qu’elle trouve à dire c’est :
 c’est qu’il est musclé le monsieur.
Ben oui, je suis musclé, et alors ?
En plus c’est pas du toc, tu peux y aller cocotte, rien à voir avec de la gonflette. Tiens regarde ! Et hop une petite contraction du biceps avec un effet de pectoraux, là c’est sur je la fais craquer.