Mais pourquoi donc un Kleenex© ? À quoi cela pourrait-il bien me servir ? C’était d’une évidence telle qu’il y avait de quoi se demander pourquoi personne n’y avait songé plus tôt et notamment parmi le personnel médical.
Pourvu de mon précieux Kleenex©, qui plus est le seul et unique dont je disposais, je commençais à réfléchir au moyen le plus efficace de m’en servir pour ce que j’avais prévu de faire avec. Je repris le temps de fouiller une nouvelle fois ma sacoche à malice, poches, soufflets, rabats subirent une fouille approfondie digne des services secrets soviétiques. Cet examen minutieux me permis de mettre au jour, un trombone usagé, 2 cartes de visites écornées, une boite d’aspirine vide, un pansement pour ampoule, un stylo à bille mâchouillé, un avoir de 5 euros au Grec du coin, un post-it chiffonné, quelques feuilles de bloc déchirées, un badge d’accès à un salon d’il y a trois ans, un autre trombone (en bon état), un porte clés sans clés, un jeton de chariot de supermarché, 2 centimes d’euro, un truc en plastique inidentifiable en l’état actuel des connaissances de la science et des miennes aussi, il me faut bien l’avouer. Ma sacoche recelait des trésors tout autant inattendus qu’hétéroclites et je profitais du temps dont je disposais pour examiner avec soin ce bric à brac afin d’en déterminer son futur plus ou moins immédiat qui allait de « Poubelle » à « Conserver absolument » en passant par « Je garde, on ne sait jamais ». Les 2 centimes d’euro filèrent directement dans mon escarcelle qui avait été vidée cette nuit, pour que vol de numéraires ne puisse se produire. J’entendis presque mon porte-monnaie soupirer d’aise de se voir de nouveau garni de quelques menues piécettes. Une bonne chose de réglée, me dis-je. L’avoir Grec prit à peu près le même chemin, à savoir qu’il se retrouva soigneusement plié en deux au milieu de mon portefeuille en remplacement du fameux paquet de Kleenex© qui m’avait demandé tant d’efforts. Je mis de côté le trombone en « bone » état, classé dans la catégorie « Conserver absolument » tandis que j’examinais autant que faire se peut le second objet du même nom qui se trouvait présentement usagé. Par usagé, j’entendais que le dit trombone était déformé comme souffrant d’une arthrite mal soignée et par voie de conséquence, son utilité et son efficacité s’en trouvait considérablement amoindris. Toutefois, considérant, qu’un trombone seul ----- ne pourrait que s’ennuyer à mourir, je décidais de conserver le chétif et le bien portant pour que chacun puisse apporter à l’autre. Le premier, ainsi dénommé « Le chétif » étant la preuve vivante de tortures dignes de « Midnight Express », le second susnommé « Le bien portant » jouant le rôle du père consolateur auprès de l’éclopé de service. Avec une certaine dextérité, compte tenu de mon état de vision, j’accouplais les « 2 choses » afin que désormais et jusqu’à ce que je décide du contraire ils passent leur vie unis vers l’uni. Que me restait-il encore à examiner ? Les cartes de visites écornées pourraient servir pour une hypothétique prise de note avec le stylo mâchouillé, je leur fis réintégrer sans remord leur logement sur mesure avec moucharabieh intégrée pour qu’elles puissent contempler sans être vues le monde hostile et machiste qui se trouvait de ces lieux. Je me surpris à mâchouiller le stylo et opinant du chef, in petto, je le tendis par devant moi pour le(s) suivre du regard. Comme par enchantement le stylo se multiplia à l’envie devant mes yeux ébahis autant qu’écarquillés. Cessons de jouer m’admonesté-je, tu as bien d’autres choses à faire. J’enfilais le stylo mâchouillé et baveux par la même occasion dans son étui had-hoc pour me concentrer sur le reste de mes trésors. Un nouveau tri rapide me permit de jeter à la poubelle la boîte d’antalgique vide - Allez savoir pourquoi je l’avais conservée - Les feuilles de bloc suivirent un chemin identique après avoir été roulées boulées énergiquement. Restaient le badge et le pansement pour les ampoules, me trouvant dans l’incapacité de prendre une décision définitive à leur endroit, je les réintégrais dans un rabat de ma sacoche. Satisfait de moi, j’allais refermer la dite mallette quand je me rendis compte qu’il y avait quelque chose qui clochait. Il manquait un objet à l’appel, j’en étais absolument certain. Réfléchir ! Réfléchir ! Il me fallait me concentrer, refaire mentalement l’inventaire de mes poches puis de la destination des divers objets qui les peuplaient. Tout d’abord...
LE POST IT !!!
Bon sang, mais c’est bien sûr. C’était lui l’abonné absent de mes hétéroclites fouilles, je l’avais réduit en confettis avant de lui donner un aller direct poubelle. C’était même lui qui avait inauguré ma séance de psychanalyse anthropologique du contenu de ma besace magique. Il était si insignifiant ce ridicule bout de papier jaune que je l’avais purement et simplement fait disparaître de ma mémoire dès lors que je l’avais réduit à l’état de poussière de mémo. ----- Et pourtant, il avait laissé un vide, un vide quasi existentiel qui avait failli nuire gravement à ma santé mentale déjà bien chancelante et qui ne demandait la plupart du temps qu’à franchir la très mince ligne qui séparait les humains dits « normaux » des autres, les « anormaux », les fous, les timbrés et les philatélistes, les dérangés du ciboulot, les frapadingues, les mous de la calebasse, les abonnés absents de la matière grise, les disjonctés, les allumés, les barjes, les excités, les QI d’huîtres, les écervelés, les décérébrés, les idiots du village, les abrutis congénitaux, les tordus, les trisomiques 51 (fils d’alcoolique), les fêlés, les cervelles de moineaux, les imbéciles heureux, les obsédés textuels, les illuminés, les cases de vides et les cases en moins, les cases à tchock ! et les cases à Nice (cousins des trisomiques 51), les ramollis du bulbe, les fils de dieu (pas très nombreux ceux-là), les possédés, les habités, les araignées au plafond, l’épeire oxydée, les paires turbées, les fondu(e)s de Bourgogne, de Savoie et de Navarre, les cinglés, les azimutés, les tcharbés, les dingues, dingos et dingués dingués, les zinzins, les neuneus, les pois chiches en guise de cervelle, les oubliés de la distribution, les culbutés, les os trop gros, les ans voutés, les ardés et les zarbis, les pas finis et les finis à la main, les gratinés, les fissurés, les bob l’éponge, les légumes, les gilles de tourette, les Jean nés sous pet, les sots, les benêts et les nota bene, les pas câblés, Léa la masse( elle en fait des tonnes), les nazes et les nazebroques, les ramollis du bulbe, les fols et feu follets, les complètement à l’ouest et ceux à l’est d’éden, les anglais, les bush bés, les simples d’esprits et les simplets, les footistes, les à l’insu de leur plein gré, les givrés, les durs à la détente, les secoués, les avec la pulpe au fond, les attardés, les blondes dedans et dehors, les bercés trop près du mur, les militaires et les décorés, les loufoques, les fadas, les frapadingues bref j’en passe et des meilleurs tant la quantité de qualificatifs qui s’applique à eux est inversement proportionnelle à leur représentation réelle.
Quoique.
Finalement ne sommes-nous pas tous des malades mentaux qui s’ignorent (comme Simone le faisait) ? On est en droit de se poser la question et de là à a ce que je vous la pose, il n’y a qu’un pas. Un pas de travers cela va de soi, mais ne perdons pas de vue ce qui devrait être en ce moment très précis votre principale, voire votre seul et unique interrogation : « Mais que va t’il bien pouvoir faire avec son Kleenex© ? »
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Episode 23
le fou n’est pas celui qu’on croit.