Ha Ha Ha. On peut continuer l’examen ?
Cette fois-ci, vous allez juste regarder dans l’objectif. Je ne vous toucherais pas, la lumière sera un peu gênante, mais c’est tout.
Je me plie à sa volonté et je constate effectivement que pour une fois elle tient ses promesses. L’examen se déroule normalement et je suis assuré de l’avoir du 1er coup sans passer par l’oral (ô désespoir).
Bon, maintenant cachez vous un œil et lisez le tableau au fond.
Elle me tend pour cela une cuillère à soupe en plastique blanc, tout droit sortie d’un set de camping pour randonneur affamé.
Je pose la cuillère sur mon œil droit et je tente de déchiffrer les lettres qui dansent sur le tableau au mur.
Heu.... fais-je, N ? Z ?
C’est à peu près tout ce que je distingue, la plus grosse ligne en bas, celle avec seulement 2 lettres et même là, je ne suis pas sur de ce que je lis. Croyant que je plaisante encore, elle me demande de lire les autres lignes.
Ha ? M’exclamai-je, parce qu’il y en a d’autres ?
L’autre œil maintenant.
Je m’exécute de bonne grâce, je deviens le champion de l’exécution, si ça continue je vais devenir bourreau comme elle. Je porte le cache sur mon œil gauche et je tente une nouvelle lecture.
H ?
Et c’est tout ce vous voyez ?
C’est mieux que rien, non ?
On verra ça plus tard, pour l’instant vous êtes encore sous le choc.
J’ai la tête qui tourne, il faut que je m’allonge
Je ne dois pas être beau à voir, car elle illico, elle me fait rasseoir dans le fauteuil roulant pour me ramener au lit.
Un médecin va venir vous voir.
Pourquoi, me dis-je (voilà que ça me reprend). J’en ai pas déjà vu un ? Quoique dans mon cas on se demande bien ce que j’ai pu vraiment voir ou cru voir. Ça zouk ferme et mes mirettes tiennent la cadence. De retour sur le brancard, je m’allonge comme je peux. Dans un éclair de lucidité, à ne pas confondre avec Lucie d’été qui elle même n’a rien à voir avec un lucide été. Bref, je m’égare une fois de plus, donc un brusque et soudain accès de conscience, je pose une question cruciale.
Où est ma sacoche ? Ma sacoche ?
Il faut bien dire que je transporte des choses extrêmement précieuses, pensez donc, le matin même j’étais au SFR mobile data tour et j’y ai fait la connaissance de Laurence, la patronne du Medef. Donc tout ceci pour vous dire à quel point je me sentais gonflé d’orgueil, j’avais presque touché du doigt le saint graal du patronat. Ensuite j’avais fait le tour des popotes (des stands si vous préférez), pour piquer de-ci delà (cahin caha) quelques brochures publicitaires hautes en couleur afin de pouvoir épater la galerie à mon retour au bureau et aussi quelques zoulis stylos dont la seule fonction est de se mettre à couler dans la poche de la veste. Bref, j’avais la ferme intention de leur en mettre plein la vue en enjolivant ma rencontre avec Laurence. D’ailleurs vous pouvez noter au passage, que je l’appelle par son prénom, preuve qu’elle et moi nous sommes intimes et même à tu et à toi. Fatuité du cadre qui se la joue et telle la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf en se gonflant d’importance au point d’exploser les coutures de sa chemise qui le boudine là où devraient se trouver les abdominaux chez l’homme normalement constitué.
Pas de panique, votre sacoche est là, en sécurité.
Merci, réponds-je, dans un souffle.
D’un coup, je me sens rassuré. Mes troubles de la vision, les vertiges et autres petits ennuis me semblent comme étranger. Je n’éprouve nulle crainte particulière, ça me fait un peu "chier" cette vision en kaléidoscope qui semble vouloir s’installer mais je mets ça sur le compte de la chaleur, nous somme fin Juin, le 28 exactement et ce sont les premières grosses chaleurs. Ensuite il y a les sushis de ce midi, la fatigue que j’accumule depuis plusieurs mois et le stress du boulot. Bref, je ne suis pas vraiment inquiet et pourtant.
Monsieur ? Bonjour je suis le médecin je vais vous examiner.
Quoi, encore ? Mais ils n’ont que ça à foutre dans cet hôpital ? En plus c’est une nouvelle tête, en réalité un autre bicéphale, cet être étrange venu d’une autre planète que seul David Vincent avait vu avant moi.
Alors racontez-moi comment ça vous est arrivé.
Pendant qu’il me pose la question la cohorte d’infirmières se pointe à ses cotés. J’ai la désagréable sensation d’être la proie d’une pieuvre géante avec toutes ces mains qui se promènent sur mon corps. Pendant qu’une me prends la tension, une autre me colle sa pince à linge sur le doigt, une autre encore, vicieuse celle-là, me pique de nouveau l’index droit. J’essaie d’expliquer ce qui m’arrive et on me colle un thermomètre dans la bouche avant que j’ai pu émettre le moindre son. On me retire le tensiomètre et une voix annonce tension 130/75, idem pour la pince : SAT à 98, pouls 72. Une Autre voix dans mon dos annonce : pas de sucre et enfin on me retire la sucette de la bouche : 36.8.
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