Chartres.
1957, internat.
Elle a tout juste 13 ans, enfant de la libération.
Elève brillante, elle fait la fierté de ses parents.
Extraordinairement jolie, ses cheveux couleur miel lui tombent au creux des reins.
Un regard d’un bleu intense, farouche.
Elle est la chouchoute du collège.
Son charisme naturel fait que tout le monde l’aime, tout particulièrement son professeur d’Anglais, un prêtre de 54 ans.
Il est subjugué par cette jeune fille, au point de la laisser choisir quand elle veut être interrogée.
Elle est à part dans ce pensionnat de jeunes filles, tenu par des soeurs.
Un jour pourtant, tout va s’écrouler.
Elle n’a que peu de contact avec l’extérieur.
Si elle se rend compte que son corps se transforme, elle n’a aucune idée de ce que ces changements provoquent.
Un soir, son professeur d’Anglais la convoque.
Insouciante, elle se rend dans la salle de classe. Immédiatement, elle ne se sent pas à l’aise. L’atmosphère de la pièce est lourde, malsaine, chargée de miasmes. Il y a une tension palpable.
Elle ne comprend pas ce qui se passe, son professeur est brusque.
Il lui parle comme jamais il ne l’a fait, d’un ton abrupt mais suppliant, gémissant en même temps.
Un malaise s’installe en elle, elle a peur sans savoir de quoi ni pourquoi.
Puis un ordre claque : « remonte ta jupe et baisse ta culotte ! »
Elle ne saisit pas la portée de cet ordre, mais elle sait que ce n’est pas normal.
« Vite ! Lui dit-il, allez ! »
Elle s’exécute en commençant à pleurer. Le omportement de son professeur est anormal.
Elle doit avoir fait une bêtise, mais laquelle ? Sinon pourquoi cette humiliation ?
Elle le voit alors.
Elle connaît la différence entre les garçons et les filles, mais là brutalement, elle l’a sous les yeux.
Il souffle fort, le teint rouge, il la supplie, bredouille des mots sans suite. Il lui dit qu’elle est belle.
Elle a froid, elle ne veut plus l’entendre alors elle ferme les yeux, pleurant de plus belle.
Sa culotte aux chevilles, sa jupe toujours relevée, elle est prise dans un tourbillon. Un sentiment de honte intense la submerge toute entière.
Le temps semble s’être figé, le supplice dure, elle garde les paupières closes.
Alors, vient un dernier souffle, une sorte de râle. Elle devine que c’est fini.
Elle ouvre lentement ses yeux, noyés de larmes.
Son professeur est rhabillé, si on peut parler ainsi. Son teint n’a pas changé, apoplectique.
Mais elle, la seule chose qu’elle voit c’est une tâche blanchâtre sur la manche de son chandail.
Tout le reste se termine dans un brouillard, entre les excuses de cet homme qui la supplie de ne rien dire. Il ne voulait pas faire ça, il ne sait pas ce qui lui a pris, jamais plus ça n’arrivera...
L’épouvante l’envahit, cette tâche sur elle, toute son attention est fixée sur cette tâche.
Tâche indélébile qui la poursuivra toute sa vie.
Internat, 1957.
Chartres.