Le bonheur, c’est simple comme un coup de fil ! C’est un vieux slogan publicitaire, utilisé par France Télécoms à une certaine époque, que j’avais totalement perdu de vue. En période de vœux, je fais un peu le tour de mes petits carnets d’adresses ; c’est ainsi que cet après-midi j’ai retrouvé le numéro d’Eloi Digamtoujdi. Eloi, était un chef d’équipe mécanicien que j’avais, en 1993, quinze ans déjà, sorti des ateliers de la Société Coton Tchad, à Moundou, pour en faire mon adjoint alors que j’étais responsable du Parc des matériels roulants de ladite Société.
A cette époque ça avait provoqué une bronca parmi les cadres tchadiens, dont certains visaient sans doute la place depuis longtemps. J’avais tenu bon, contre vents et marées, privilégiant les qualités humaine et technique au statut de cadre que bien sûr ne possédait pas mon protégé.
Quand en 1996, poussé dehors pour des considérations d’ordre budgétaire, je dus quitter mon poste, et le Tchad par la même occasion, on me demanda mon avis pour ma succession ; j’avançais bien sûr le nom d’Eloi au grand dam des cadres postulants.
Après moult discussions, il fut décidé, au niveau de la Direction générale, de lui octroyer, à titre provisoire et pour essai, la place que je laissais vacante.
Après être restés quelque temps en contact, l’usure du temps, les problèmes personnels de l’un comme de l’autre, plus les difficultés de communication, espacèrent puis mirent un point final à notre relation, professionnelle et amicale. Je ne l’avais pas oublié pour autant.
Cet après-midi, après avoir tenté en vain de joindre ce numéro, j’ai dû me rendre à l’évidence : il n’existait plus ; grâce à Google et têtu comme un Breton, j’ai pu joindre enfin la Coton Tchad qui m’a aimablement communiqué le portable professionnel du Chef de Parc auto, mon ami Eloi.
Et c’est ainsi, avec beaucoup d’émotion et de bonheur de part et d’autre, que nous nous sommes retrouvés, dix ans plus tard, par la magie du téléphone, à 6000 kms de distance ; il était sur une piste du Sud tchadien, en route vers le village de Koumra, pour régler un des nombreux problèmes liés à une campagne cotonnière. Il m’a dit, avant de continuer sa route :
Nous parlons souvent de vous, Monsieur Jugan ! Ici personne ne vous a oublié !
Les amis vont être si contents d’avoir de vos nouvelles !
La gorge un peu serrée, je l’ai assuré que moi aussi je pensais souvent à eux et que dorénavant je l’appellerai régulièrement.
Pourquoi vous raconter cela ? Peut-être parce que la réussite d’Eloi, dont personne ne voulait à ce poste, a pour moi plus de valeur que toutes les médailles et autres « honneurs » réunis. Une simple histoire d’hommes, en définitive, ou une histoire d’hommes simples… si vous préférez. Dans tous les cas, le plus beau cadeau de Noël que je n’ai reçu depuis bien longtemps.
Janvier 2009