Porte d’entrée maritime pour les pays voisins n’ayant pas accès à la mer, Douala, capitale économique du Cameroun est une ville en perpétuelle effervescence. Les activités fleurissent dans tous les secteurs, des plus simples aux plus sophistiqués.
Vendeurs "à la sauvette", marchands et marchandes de cigarettes et d’arachides ou d’appels sur portable sont installés sur les trottoirs, certains à même le sol, d’autres assis sur un tabouret avec une table pliante et un parasol. Quelques commerces se donnent des allures de grandes surfaces et de nouvelles sociétés offrent, dans un cadre moderne, les services des technologies les plus récentes en matière de communication. Jour et nuit l’agglomération bouillonne. Aux endroits stratégiques pour la vente au détail les étals prolifèrent. A toute heure du jour il est possible d’y trouver une cigarette vendue à l’unité avec la flamme du briquet en prime, des bonbons vendus à l’unité ou par deux, des cartes téléphoniques et même, pour une somme dérisoire, si vous avez oublié votre portable, vous pouvez téléphoner avec un appareil prêté pour l’occasion.
Les taxis jaunes, moto-taxis et voitures particulières, les bus et remorques transportant les containers,les pousses et les piétons se mêlent allègrement dans les artères de la ville avec parfois de gigantesques embouteillages provoqués la plupart du temps par un accrochage ou un accident.
Le 8 mars, impossible de ne pas remarquer que c’est un jour particulier.
Dès l’aube, une, dix, vingt, cent femmes apparaissent dans les rues et prennent possession de la ville. Les autres jours elles sont tout aussi présentes mais là, une majorité d’entre elles portent le "pagne" aux couleurs de la fête. La plupart des évènements jalonnant la vie familiale, sociale ou politique sont marqués par le port de vêtements cousus dans un tissu spécialement choisi et imprimé par l’entreprise locale de textiles. Pour la Journée Internationale de la Femme, ce sont des mètres et des mètres de tissu de coton qui sont sortis des ateliers de l’usine. Trois couleurs de base en fond : vert clair, rose et jaune paille. Des inscriptions en rapport avec l’évènement y figurent : "Conservatrice de la nature et de la vie", "Sagesse, science, excellence", "Solitaires jamais, solidaires toujours" et, pour motif principal : une femme en tenue traditionnelle portant à bout de bras le globe terrestre montrant l’Afrique et le Cameroun.
Cette année encore, comme les précédentes, les tenues traditionnelles et modernes ont égayé les rues, bureaux et magasins. La variété des modèles est infinie car chaque atelier de couture met un point d’honneur à sortir son ou ses modèles. Parfois ce sont les femmes elles-mêmes qui dessinent le modèle choisi et le donnent à réaliser à un tailleur ou à une couturière de leur choix. Ensuite, chacune rivalise de coquetterie et c’est un vrai régal pour les yeux. Une majorité d’hommes prévoient d’offrir à leur(s) épouse(s) le fameux pagne pour avoir la paix et éviter les ennuis. La polygamie étant officiellement autorisée, difficile d’échapper à cette contrainte, car si un mari l’offre à l’une de ses conquêtes, la ou les femmes légitimes l’apprendront inévitablement et lui rendront ensuite la vie impossible de mille manières. Le problème ne se pose pas pour les femmes salariées qui le reçoivent de leurs employeurs. Mais pour toutes les autres, mères au foyer et commerçantes indépendantes, c’est une question de fierté que d’avoir pu se le faire offrir !
Des délégations ont été sélectionnées dans les entreprises privées, publiques et associations pour les représenter lors du défilé. C’est un long ruban vert, rose et jaune qui serpente le long des voies réservées pour la circonstance. Puis, les discours officiels des autorités administratives ont lieu à la place des Fêtes : éloge de la Femme, son importance dans la société, rappel du chemin parcouru et esquisse de celui qui reste à faire .
Ensuite la vraie fête peut commencer ! Oubliés les problèmes, les maris et les enfants. Tout est laissé de côté à la charge des hommes, pour ne penser qu’à passer un bon moment. Une très longue pause qui peut se prolonger tard dans la nuit avec parfois, il est vrai, quelques excès regrettables dans certains quartiers. Jouant le jeu, la gent masculine prend très philosophiquement son mal en patience
Maîtresses du territoire, aucun homme sensé ne peut tenter d’élever la voix contre l’une d’elles. Ceux qui sont invités à partager les agapes sont très honorés de se retrouver, minoritaires mais choyés, dans cet environnement pétillant et coloré ! Quelques petites surprises agréables viennent émailler la journée.
Invitée par une association à participer à une cérémonie de remise de diplômes à des jeunes filles formées à la teinture sur tissu, c’est avec curiosité que je m’y suis rendue à 13h. Après la visite de l’exposition des ouvrages et un défilé de jeunes enfants portant des vêtements réalisés dans ces tissus teints, nous avons partagé un repas composé de mets traditionnels.
En arrivant au bureau à 15h, une surprise m’attendait : un magnifique bouquet artistiquement composé de fleurs locales mêlées à des plantes vertes. C’était un cadeau en provenance d’une société de la place. Lorsque j’ai appelé la personne qui l’avait envoyé, une femme charmante, elle m’a avouée qu’ils avaient saisi l’occasion de cet évènement pour "cibler" certains ou plutôt "certaines" de leurs clientes !
Peut-être cela vous semblera naïf mais, le 8 mars à Douala, au Cameroun, bien des femmes se sentent "Femmes" dans le meilleur sens du terme et c’est très agréable. Les couleurs, les plaisanteries et les rires, les interpellations joyeuses "Bonne fête ! Bonne fête !" fusent dans les rues, les commerces, les bureaux, venant principalement des hommes que vous croisez chaque jour mais qui, à cette occasion, semblent désireux de voir les sourires s’épanouir.
Bien sûr le lendemain il faudra reprendre le fardeau quotidien : lever avant l’aube pour certaines, souci du foyer sans parler des problèmes surgissant toujours au plus mauvais moment : décès, maladie, scolarité des enfants...etc. Mais, la force psychologique, le courage et la volonté des femmes ici sont inépuisables. Le 8 mars permet, le temps d’une journée, de faire glisser des épaules le fardeau qui pèse.
Souvent très rude et difficile, le quotidien est ainsi ponctué, au cours de l’année, de grandes respirations qui sont des bouffées d’oxygène, bienvenues dans un environnement moins protégé qu’en Europe. Pendant quelques jours encore, les tenues de la fête se montreront un peu partout, bientôt remplacées par d’autres car les évènements se succèdent et ainsi va la Vie !
Voilà, c’était une petite carte postale de Douala en ce jour du 8 mars 2010. Et je terminerai en souhaitant à toutes les femmes du monde de continuer leur route, sans faillir et sans faiblir car comme le dit la devise inscrite sur les pagnes de cette année 2010 :
"La Femme est la Conservatrice de la nature et de la vie".