Les soldes, les soldes, les soldes, depuis une semaine je ne pense plus qu’à ça, j’écume toutes mes boutiques habituelles à la recherche du "top of the pop" qui me mettra en valeur cet été.
J’ai fini par le dénicher ce petit caraco dont je rêvais et la vendeuse de connivence avec moi m’avait assurée qu’elle le mettrait de côté pour moi. je n’aurais qu’à passer le matin à l’ouverture et il sera à moi, rien qu’à moi.
8h15 - Je suis prête, excitée, dans moins d’une heure je posséderais l’objet de tous mes désirs depuis une semaine et je pourrais pavaner au bureau devant les collègues
9h15 - Je sors du métro, en retard à cause de je ne sais quoi encore, pourvu qu’il ne soit pas trop tard. La boutique est en vue, ouverte, il y a beaucoup de monde dans la rue qui entre et qui sort. J’accélère le pas et je pénètre enfin dans le saint des saints. Je jette un regard circulaire, il n’y a pas autant de monde que je le pensais. je me dirige droit vers Martine, la vendeuse, elle est occupée avec une cliente. Martine échange un regard avec moi, je devine à son expression qu’il se passe quelque chose. La cliente devant moi tient "LE CARACO" à la main et je l’entends dire :
Il est parfait, je le prends.
Echange paniqué avec Martine en silence, elle hausse légèrement les épaules l’air de dire - Désolée, je ne pouvais pas faire autrement -
L’autre peste s’en va le caraco plié sur le bras et elle se dirige vers la caisse pour le payer. je m’approche de Martine :
Que s’est-il passé, vous me l’aviez promis.
Je n’ai pas pu faire autrement, c’est le seul qui restait dans sa taille et ma patronne me tournait autour, je n’ai pas pu faire autrement.
Martine, n’y est pour rien. Quelques minutes plus tôt, si ce satané métro n’avait pas été en retard j’aurais pu être la plus heureuse de femmes.
Et l’autre peste, là-bas, à la caisse qui se pavane, elle vient de payer et doit repasser devant moi pour sortir. Elle m’aperçoit, dépitée, une ombre de sourire ironique se dessine sur ses lèvres quand elle me croise victorieuse. Je suis à deux doigts d’ôter mes talons aiguilles pour les lui planter dans le dos. Je ne vais pas me laisser avoir comme ça, c’est trop bête.
Elle sort de la boutique et mon rêve va s’échapper définitivement, il est hors de question que j’arrive au bureau sans rien et encore moins que ce soir je rentre les mains vides. sinon mon mari, René, va encore se gausser de mes déboires et ça !
Jamais !
Jamais !
Une impulsion subite me prend, je cours après "la peste" et je la rattrape dans la rue pour l’aborder. je lui propose de lui racheter le caraco, je lui explique pourquoi il me le faut absolument. elle refuse net la transaction et fait mine de continuer son chemin, je la saisis par le coude et je lui dis :
Ecoutez, je vous l’achête au prix normal. c’est une affaire pour vous, non ?
Elle fait mine de réfléchir et me réponds par la négative.
Je vous en donne 50 euros de plus, la supplié-je.
Elle hésite, on continue de marchander et finalement on tombe d’accord. Par chance nous sommes proches d’un distributeur, je tire la somme convenue et nous procédons à la transaction.
Je repars heureuse avec MON Caraco, je vais passer la journée sur un petit nuage.
19h30 - J’arrive à la maison épuisée, mon mari René est déjà rentré, j’ai aperçu la voiture sur le parking.
Bonsoir ma chérie, alors ces soldes ?
Fièrement je lui sors le caraco et je lui dis :
Laisse moi deux minutes et je vais le passer tu vas voir il est sublime.
Je file dans la chambre et je me change en vitesse pour revenir lui montrer comme il me va bien.
Je me fais vamp devant lui, je vois bien où se dirige son regard. D’ailleurs il s’approche de moi, me saisit par la taille et me murmure :
Tu es magnifique, c’est vrai.
Il prend l’étiquette et regarde le prix normal, puis le prix en solde.
Et bien tu as fait une belle affaire on dirait 50% de remise ça vaut le coup.
Je me contente de lui sourire en minaudant. pas question de lui dire qu’au final il m’a coûté trois fois son prix...