Napoléon Petit

Une tradition orale bien ancrée veut qu’autrefois un homme ait vécu dans le pigeonnier du château. Le temps et l’imagination aidant, ce personnage mystérieux est devenu, dans les récits, un ermite, reclus volontaire en ce lieu nostalgique.
Cet homme a bel et bien existé, mais sa véritable histoire a des couleurs bien plus sombres que celles que lui confère la tradition. Napoléon Charles François Petit, né à Telgruc en 1840,
décrocha son bac à l’âge de dix huit ans, fait exceptionnel à cette époque. Il eut diverses places de comptable, à Paris puis à Brest dans une importante société. Il semble avoir été alors un homme heureux, comblé et sans histoire.
Mais il avait une propension à susciter la malignité du sort ; tout d’abord il perdit toutes ses économies ainsi que la dot de sa femme, malencontreusement placées dans l’affaire de son patron. Totalement ruiné, il perdit aussi sa maison de Portsall puis, peu de temps après, sa femme mourut de maladie.
En quelques années, Napoléon avait vu fondre entre ses mains, mariage, fortune, amis.
Il ne pouvait plus payer son loyer, aussi le maire de Landunvez lui permit-il de s’installer dans le pigeonnier du château des Du Chastel, demeure inoccupée car déjà en ruines à cette époque lointaine.
Il vivotait, embarquant parfois sur un bateau de pêche, aidant aux champs ou pêchant crevettes et coquillages, sans jamais mendier.
L’écrivain, Alain Ferrand, le décrit ainsi dans son ouvrage « Visages douloureux et masques de bêtes » (1906) : « C’est un petit vieillard aux cheveux longs qui habite le pigeonnier depuis longtemps. L’homme et l’habitation sont pareillement lamentables. Lui, Napoléon, n’est ni paysan, ni marin, ni mendiant, mais un être bizarre. Il a quelque chose en lui qui révèle une chute immense… ».
Il mourut en Février 1908. Le légendaire ermite du Léon n’était autre que la mélancolique victime d’un sort trop lourd, le personnage déchu d’une tragédie ordinaire…
Peut-être l’ombre de Napoléon hante-t-elle toujours les abords du château, fantôme triste…