Monsieur le ministre de la justice,
J’ai déjà huit ans et je suis un grand garçon.
Mon papa m’a dit que c’est toi qui punis ce qui est injuste. Quand j’ai raconté ça à l’école, mes copains ont dit qu’ils allaient t’écrire pour te dire que ce n’est pas juste qu’ils n’aient droit qu’à deux bonbons par jour, et qu’ils soient obligés d’aller à l’école.
Moi, je t’écris pour autre chose.
Après la fête des cloches, ma maman a été renvoyée de son bureau. Elle était très triste et je ne comprenais pas pourquoi. C’est vrai, ça lui faisait moins de travail ! Le soir, quand elle revenait, elle marchait en zigzags et elle se cognait partout. Elle m’a dit que c’est ce qui arrive quand les gens ont trop de chagrin.
Un jour, ma maman n’est pas revenue et le lendemain, on nous a dit qu’elle s’était fait écraser par une voiture. J’étais très triste, tu sais, et Papa et ma grande sœur aussi, même s’ils ne zigzaguaient pas.
Deux mois après, on a retrouvé ma sœur, sur son lit, morte d’une « hovernause », ou quelque chose comme ça. Elle me manque beaucoup, même si parfois, elle était embêtante.
Puis, trois semaines plus tard, mon papa a commencé à être très fatigué et à beaucoup tousser, comme quand j’ai eu mon rhume. Mais lui, il avait une maladie qui s’appelle « cancer ». Robin, il est bête, il dit que c’est un dessin avec des étoiles ! Moi, je sais que c’est une maladie. Même que le docteur est venu et qu’il m’a dit d’être très courageux. Je ne comprenais pas pourquoi il me disait ça à moi, puisque c’était Papa qui était malade, mais j’ai dit « oui » et le docteur a fait un petit sourire tout triste.
Alors, je me suis assis à côté de Papa et je lui ai demandé qui nous avait rendus si malheureux. Papa m’a dit qu’il s’appelait destin. Puis, il a souri et il s’est endormi. J’ai dit au docteur que j’allais attendre qu’il se réveille, mais il a répondu que mon papa préférait continuer à dormir, car ça lui faisait moins mal. J’ai dit « ah », et le docteur a appelé une madame avec des grosses lunettes carrées qui m’a conduit à l’orphelinat.
J’ai pleuré et j’ai dit que mon papa s’était juste endormi, mais les autres enfants ont dit que c’était pareil pour leurs parents.Depuis, je suis un peu triste, mais je ne sais pas bien pourquoi.
Mais, dis, Monsieur, je voudrais te demander, je trouve que ce n’est vraiment pas juste tout ce qui est arrivé, alors, il faudrait que tu punisses Monsieur Destin.
Il l’a vraiment mérité.