160 caractères pour dire beaucoup ou si peu. Adieu espaces et ponctuation littéraire.
Illogique dans une seule logique celle de rajouter encore un mot. Alors au revoir orthographe et vive ortograf … et encore, avec un peu d ‘imagination et de complicité peut-on gagner quelques lettres en inventant des abréviations dont la signification n’a de sens que pour eux.
Et, me direz-vous, tout cela a-t-il un sens ?
Les sens en éveil pour identifier le bip si semblable à d’autres bips, et pourtant ! Celui-ci est bien différent. Il a la sonorité de la poche, du sac, de l’épaisseur du pull qui le recouvre alors qu’il est accroché à la ceinture du pantalon. Il a été choisi parmi une sélection proposée et rattaché à un numéro en particulier : le sien.
Les sens en éveil pour capter la vibration de l’objet devenu aussi important que les clefs de la maison, car il est la clef d’une continuité différente, nouvelle, presque indispensable. Il est comme une présence latente sans être pesante car elle est voulue, désirée, acceptée : la sienne.
Objet de notre siècle, champion de la communication tout azimut, de l’image sans limite, sans pudeur. Les amoureux y trouvent une cachette pour leur « je t’aime », leur « tu me manques » sans laquelle ils ne pourraient plus ressentir cette excitation du secret, de leur secret, celui de la profondeur de leur sentiment, de la construction au jour le jour de leur passion, de la solidité de ce lien qui les unit et qu’il s’appelle l’Amour.
Petit écran, petit espace pour accueillir un peu de leur intimité, de ce cocon doux et soyeux dans lequel ils ne sont que chez eux. Bulle multicolore qu’ils créent dès que leurs regards se croisent, leurs yeux se parlent, leurs doigts s’entremêlent.
Capacité de stockage limitée … limite atteinte … il faut supprimer … mais lequel … relire, choisir, cliquer, effacer, soupir … Le nouveau peut alors venir dévoiler ses lettres assemblées en phonèmes, abréviations, raccourcis, distance diminuée par une soudaine accélération des battements du cœur, par le souffle retenu, par un « je suis là » ou « j’arrive » qui sent déjà si bon l’odeur de sa peau, la douceur de ses lèvres, la chaleur de ses mains dans lesquelles les vôtres se glissent après avoir remis cet accessoire indispensable, ce lien immatériel qui relie vos pensées tandis que vos corps se désirent.