Mardi, 11h 15, le téléphone sonne !
Allo, j’écoute…
Bonjour monsieur, je m’appelle Lucy, auriez-vous quelques instants à m’accorder ?
C’est reparti pour une énième séquence de démarchage téléphonique de plus en plus fréquent ces temps derniers.
Je sais que mon interlocutrice (parfois interlocuteur) fait ce job pour gagner sa vie et je n’ai pas le cœur à lui raccrocher au nez.
Parfois l’appel est « hexagonal », le plus souvent ça nous arrive d’une plate-forme installée dans un pays dit à bas coût.
Oui, je vous écoute Madame.
Je vous appelle de la part de la Société X qui s’occupe d’isolation thermique dans votre région…
Vous êtes bien propriétaire de votre habitation ?
Exact !
Depuis plus de quinze ans ?
Oui madame…
Et vous avez moins de soixante-dix ans…
Et bien non Madame, je suis désolé mais vous arrivez trop tard… Je viens de franchir le cap de mon soixante dix huitième printemps
La dame, un tantinet ennuyée, mais connaissant parfaitement sa leçon…
Ah, vous avez pourtant une voix très jeune. Je regrette beaucoup Monsieur mais pour des raisons de crédit, (et patati et patata), nous ne traitons pas avec une clientèle au-delà d’un certain âge… etc.
Ce coup-là on me l’a déjà fait une bonne vingtaine de fois, que ça soit pour l’isolation, le chauffage, les panneaux solaires et j’en passe.
Aucun regret, je n’ai en fait besoin d’aucun de ces services, tout a été fait voilà bien des années.
Même mardi à 15h… De nouveau le téléphone avec un numéro régional commençant par 0298…
Je décroche !
Bonjour Monsieur. Je suis Madame Le G… de la Société Y installée dans la région. Nous sommes spécialisés dans les travaux du bois et je vous appelle dans le cadre d’une prospection départementale. Auriez-vous des projets concernant charpente ou menuiserie ?
Alors là, je ne sais pas ce qui m’a pris mais je lui ai répondu sans élever le ton que j’avais effectivement à moyen terme un projet de menuiserie, projet pour lequel mon âge ne devait pas être un obstacle puisqu’il s’agissait de la confection d’un cercueil… à la condition que sa Société fasse tout de même dans le chêne…
Décontenancée, la dame a raccroché et j’ai tout de suite regretté cette mauvaise plaisanterie.
Pour le cas, chère Madame, où vous liriez ces quelques lignes, ce qui tiendrait du miracle, je conclurai en vous présentant mes excuses les plus sincères mais admettez qu’à force de passer pour un vieillard à l’article de la mort, parce que soixante-dix ans révolus, on finit par perdre patience au point de commander son cercueil !
Décembre 2019