pfff, encore une tartine...
Ce qui légitime l’écriture, c’est le parallèle exact que l’on fait, ou qui se fait parfois contre sa volonté ou sa conscience, de la déformation entre ce que l’on veut exprimer et ce que l’on écrit et de la déformation entre la souffrance que l’on éprouve à l’ensemble des questions que l’on se pose.
Chacun, auteur, ouvrier, oisif, travailleur, femme ou homme éprouve la souffrance de la vie, c’est-à-dire mesure tout ce qui conditionne sa qualité d’être humain, l’expérience physique de tout ce qui lui permet de vivre, battements de cœur, respiration, ingestion, digestion etc. comme l’expérience mentale de cette croissance, souvenir, lecture, dialogue, langage ou autre imagination.
Mais quand on arrive à poser le doigt sur un nœud, quand on arrive à faire coïncider deux expériences, par exemple en désignant exactement la nature d’un souci, ou à se rappeler un moment de notre vie dont notre inconscient a fait un pilier de notre aventure, ou encore à accepter d’être un peu différent, d’avoir des envies qui ne sont pas tout à fait les mêmes que celles des autres, ou à retirer du plaisir de situations étonnantes, en un mot quand on arrive à dire qui on est, un peu de soleil vient illuminer la vie, rendre plus faciles à comprendre les questions que l’on résoudra plus tard, éclairer le chemin que l’on emprunte.
Un peu comme si on tombait amoureux, de soi.
On s’accepte, on se reconnaît, on voit ce qu’on a fait, ce qu’on n’a pas fait, la vraie vie quoi, pas seulement les fantasmes.
Alors, on écrit pour vérifier cela et pour le crier à tout le monde, et on se rend compte que même cette expérience est difficile à dire, à décrire, à partager autrement que par une posture, des attitudes et que le plaisir n’est pas achevé, et on se prend à rêver d’un tour de magie qui inscrirait tout ce que l’on a à dire dans les mots que l’on choisit et qui sont incomplets.
Et dans l’écriture apparaissent alors toutes les questions qui nous assaillent, même les plus obscures, surtout les plus obscures, celles qui nous effraient, celles que l’on ne veut pas voir, celles qui sont difficiles et pour cela elles nous font progresser.
L’écriture est toujours une question et c’est le lecteur qui y répond en partie, parce que curieusement, il se la pose aussi cette question.
Alors quand le lecteur est aussi un auteur…