18 h, mon maître va rentrer à la maison. Je l’attends patiemment depuis de longues heures. J’ai envie d’aller me dégourdir les pattes, "relever mes messages" comme dirait J.M. Bigard, et laisser les miens.
Avant, il rentrait le visage épuisé, prenait la laisse en soupirant et nous faisions juste le tour du pâté de maison.
Maintenant, il ouvre la porte d’une main, son téléphone dans l’autre, prend le câble et la petite boîte à côté de la laisse et hop, nous voilà partis pour une longue promenade.
Passé le pâté de maison, nous tournons à droite et une centaine de mètres plus loin, un vrai délice : un grand jardin public. Pleins de messages, de copains et mon maître semble heureux, même s’il lui arrive de parler tout seul "ah zut raté ", " super, j’ai pris un niveau", etc. Je suis heureux, j’ai même perdu 2 kilos.
Par contre, il y a un truc bizarre : les poules couvent leurs œufs pour les faire éclore et il y a toujours un poussin dedans. Là, ce sont mes coussinets qui surchauffent et il y a des bêtes toutes différentes dedans. Certaines plaisent à mon maître, d’autres l’énervent, en tous les cas il n’en fait jamais d’omelette !
Je suis assise sur un banc, je profite du beau temps boire le café de mon Thermos avant de rentrer.
Je remarque, amusée, que cela fait quatre fois que la même poussette passe. Une femme la pousse de la main gauche, son téléphone dans la main droite.
De temps en temps, elle s’arrête, caresse de quelques coups rapides son écran et repart.
Je souris. Avant, elle avançait rapidement, traversait le jardin public sans s’arrêter jusqu’à sa voiture, installait son bébé à l’arrière et la poussette se pliait dans le coffre.
Elle avait son visage fermé, stressée par sa journée sans doute, courant après le temps. Elle paraît maintenant plus détendue, elle marche, son bébé prend l’air. Que du bonheur !
Un samedi, dans une ville près de chez moi. Assis, sur un muret avec mon mari. Nous faisons une pause au soleil. Je trie mes captures, il bouquine sur son téléphone.
Un monsieur, qui comme moi, fait partie des dresseurs rares de Pokémon (6 % seulement de dresseurs de + de 50 ans) s’approche. Il me dit avoir remarqué mon câble et me demande si je joue, moi aussi. Il est intéressé par cette batterie, car il me dit qu’il ne peut marcher plus de 1 h 30 environ avec la batterie de son téléphone. Je lui montre la mienne, légère et d’un coût abordable.
Depuis le décès de son épouse, c’est cette application qui l’a, enfin, fait sortir de chez lui tous les jours. Il s’éloigne pour poursuivre sa marche.
Nous nous levons et nous apprêtons à partir quand quatre enfants, accompagnés d’une grande adolescente, s’approchent alors de nous :
dis madame, tu joues toi aussi à Pokémon ?
oui, c’est amusant et j’aime bien ces bestioles
mais euh, tu as quel âge ?
54 ans, et toi ?
j’ai 8 ans. C’est quoi ton + fort ? .... ah oui quand même, dis tu tapes des arènes ?
oui ça m’arrive quand je peux, ça me permet de PX et c’est sympa de gagner quelques poképièces gratuites.
tu sais le monsieur là-bas qui te parlait tout à l’heure, ben il nous a traité de petits cons la semaine dernière car nous lui avions tapé son arène.
tu sais c’est normal qu’il n’ait pas apprécié, mais c’est un jeu et je ne pense pas qu’il te l’ait dit méchamment.
Comme nous parlions, tout en marchant, nous nous sommes rapprochés de lui. Il s’est inclus dans la conversation et après quelques phrases, leur « différent » était oublié et comme ils se croisent de temps en temps, ils vont s’organiser pour optimiser leurs combats dans les arènes.
Nous sommes repartis, en souriant de ce lien intergénérationnel que ce jeu peut créer.
En vacances, qui n’a pas déjà été se balader dans une grande ville inconnue, suivi le panneau "parking" en ayant repéré la veille sur internet où se trouvait celui le plus proche du centre-ville et en sortant de sa voiture garée, resté dubitatif en voyant les 3 ou 4 sorties différentes proposées.
Ne lancer pas votre GPS, piéton. Sur votre écran vous n’aurez qu’une petite boule bleue indiquant votre position. Il vous faudra marcher quelques dizaines de mettre pour savoir dans quelle direction vous marchez. Et pour savoir où se situe la zone des curiosités intéressantes et des commerces, il vaut mieux avoir une adresse.
Lancer votre application Pokémon Go. Il suffit de quelques pas pour que votre personnage regarde dans la direction que vous empruntez.
Repérer la concentration des petits drapeaux bleus des pokestop et vous saurez où aller. Les noms des pokestop, vous feront découvrir des petites curiosités, peu indiquée sur les guides, des petites rues pittoresques de plus pour retrouver aisément votre parking, mémoriser simplement l’arène près de laquelle vous êtes garé. Elles se voient de loin sur l’écran et portent toutes un nom différent.
Réfléchir à comment rentabiliser un œuf chance, retenir les noms des évolutions, calculer le nombre de km à parcourir pour récolter le nombre de bonbons pour évoluer un pokémon, gérer le stock de son sac en fonction des combats et des captures, encore autant d’effets secondaires que les non joueurs ne connaissent pas.
Bien sûr, comme dans tout il y a des dérives. Nous ne sommes que des humains.