Jusque là tout est d’une parfaite sérénité. Une quiétude suspecte qui précède le déchaînement de la nature.
Il est emmitouflé dans la tiédeur de sa demeure, calme et sécurisante. Il se sent bien et sa vie est rythmée par ces battements de cœur qui le confortent.
Ce n’est pas très spacieux, mais cela lui suffit.
De temps-en-temps il y a bien un peu de remue-ménage dans le voisinage, mais c’est très supportable.
Il entend parfois les voix et les rires assourdis du couple qu’il connaît. Lorsqu’ils reçoivent des amis ou de la famille, ils sont plus bruyants.
Mauvaise isolation phonique. Ils auraient quand même pu faire un effort.
Vivant seul, cela lui crée de la compagnie. Au moins il y a de la vie autour de sa maison.
Depuis les quelques mois qu’il a emménagé, il ne se lasse pas du paysage.
Par la baie il voit les berges de la rivière. Ses eaux calmes se perdent dans une vague embouchure qui, au loin, est entourée d’un cordon sablonneux.
Sous ce doux climat tropical qu’il aime, il pleut régulièrement. Tous les matins et parfois aussi le soir, il entend le crépitement d’une averse qui douche son toit. Elle ne dure pas bien longtemps mais délasse l’atmosphère. Après il se sent toujours mieux, détendu.
Il n’a pas encore connu de gros orages jusqu’à ce jour où la voûte qu’il contemple commence à s’animer de façon inhabituelle. Elle est parcourue par les ondes d’une étrange houle. Ce n’est pas bon signe, se dit-il. Heureusement, il est à l’abri et fait confiance à la solidité de sa demeure.
C’est alors qu’il aperçoit une déchirure dans le ciel qu’il fixe. Elle ressemble à un oeil par lequel filtre une clarté diffuse.
Le vent a dû forcir car sa maison vacille. Pour la première fois il commence à être inquiet.
Le voisins aussi doivent s’alarmer. Il les entend parler sur un ton plus élevé que d’habitude. Ils sont avec des amis car d’autres voix se mêlent aux leurs. Quelle idée d’être à l’extérieur. Ils seraient plus en sécurité chez eux !
Puis en quelques instants tout se détraque.
Un souffle grandissant tourbillonne, tels les prémices d’une violente tempête.
Sa demeure est de plus en plus secouée. Pourvu qu’elle résiste. Il n’y a pas de raison, c’est robuste, pense-t-il.
Il se sent tout de même oppressé par le pressentiment qu’une catastrophe s’est mise en marche, de son long gonflement de vague invincible.
Brutalement, les éléments se déchaînent et des convulsions font trembler les cloisons de sa demeure. Il est de plus en plus effrayé.
Le paysage à l’extérieur ne fait qu’amplifier sa peur. La rivière en furie déborde pour rejoindre, à l’horizon, la bouche du cyclone illuminée.
Maintenant la tourmente est à son comble. Il est terrifié par sa violence. Le ciel semble se rapprocher de lui, comme s’il allait l’écraser de tout son poids et l’aspirer par sa déchirure de plus en plus proche.
Il sent qu’une puissante force le pousse vers cette porte ouverte sur un autre univers.
Il tente bien de ne pas se laisser emporter en se cramponnant, mais il glisse inéluctablement vers l’arche aveuglante qui s’ouvre de plus en plus.
Tout à coup, il est expulsé à l’extérieur tandis qu’une femme pousse un cri et que quelqu’un dit :” Coupez le cordon ombilical ! ”
Quel que soit le prénom, venir au monde est une catastrophe naturelle !