Aïe, ouille, mais où est-ce que je suis ? Il fait tout noir, vraiment noir, un noir d’encre. C’est étroit, même pas la place de me retourner, et puis, c’est tout mouillé. Ouh la la, il faut que je me sorte de là en vitesse. Moi et les liquides on n’est pas copains du tout ! Bon, je ne peux qu’avancer alors, essayons et voyons où cela va me mener. A peine la place de passer la tête … heureusement que mon corps est assez souple et que je peux m’étirer un peu. Allez, un petit coup de reins et hop, me voilà propulsé en dehors de ce piège comme un bouchon de champagne. Allez, je me secoue un peu histoire de retirer ce voile qui m’empêche d’ouvrir les yeux.
J’entrouvre une paupière, puis l’autre. Je referme illico. C’est tout blanc ! Quel contraste ! Je recommence, il faut bien que je sache où l’imagination débordante de ma maîtresse m’a envoyé ! Ben oui, figurez-vous que j’étais tranquillement en train de faire ma petite sieste du matin dans mon coin préféré, allongé de tout mon long sur mon petit matelas de foin, quand sa muse s’est pointée à ma porte et d’un coup de plume m’a littéralement kidnappé sans rien me demander ! Même pas un petit mot gentil ! Un petit bonjour n’aurai pas été superflu. Eh bien NON ! Rien ! Nada ! Ah la la, la politesse n’est plus ce qu’elle était. Enfin … trêve de bla bla … sinon vous allez dire : « Non, mais quel bavard celui-là ! Une vraie pie ! » Alors là je vous arrête tout de suite. STTOOPPP ! JE NE SUIS PAS UNE PIE ! Non mais ! Je n’ai pas de plume ! Mon pelage est très doux et l’harmonie de ses couleurs me vaut des murmures admiratifs. Alors un peu de tenue s’il vous plaît !
Donc, je rouvre mes yeux et contemple cet univers tout blanc. Je tourne la tête. Tiens une plume ? Elle s’envole, plonge la tête la première dans ce drôle de récipient d’où je sors, puis, elle se pose délicatement sur cet espace dune blancheur immaculée. Je m’approche pour mieux comprendre pourquoi elle le salit ainsi, avec élégance, je ne nie pas, mais bon, il doit bien y avoir une raison. Et hop ! Elle s’envole à nouveau, refait le plein et poursuit son manège. Les traces forment des mots et les mots s’alignent en phrase. Je me redresse sur mon derrière. NON ! Je vous interdis de rire. C’est un exercice très difficile et très périlleux ! J’ai des copains qui se sont fait un tour de rein et qui sont restés bloqués. Nous ne le pratiquons qu’en privé pour notamment faire notre toilette, mais, cela reste un secret … chut… vous ne le direz pas. Je compte sur votre discrétion. Merci. Bon alors, qu’écrit donc cette plume ?
Eh, mais c’est de moi qu’elle parle ! Elle raconte toutes les pensées ! Tout le monde va me connaître ! Bon d’accord, un cochon d’inde qui porte un nom « capitale » à la sauce manga, ce n’est pas courant, même si cela n’a rien d’extraordinaire quand on est baptisé par un ado, mais tout de même… elle aurait pu me demander mon avis avant de me glisser entre l’encrier et la plume …