Je ne saurais dire depuis combien d’éons j’attends assise sur ma pierre au milieu de ce cimetière…
Je ne saurais dire non plus si c’est le jour ou la nuit tellement le ciel est couvert et tellement tout semble gris.
Autour de moi le vent souffle fort, charriant poussières et regrets mais je ne ferme pas les yeux, jamais.
J’attends le retour des Hommes.
La dernière fois que je les ai vus me semble si lointaine pourtant…
Ils venaient, comme ils l’avaient toujours fait auparavant, enterrer l’un des leurs.
J’avais alors épié leur procession funéraire depuis mon caveau favori. Tous habillés de noir et le visage éteint, ils avançaient l’âme en peine en suivant mon futur festin…
La nuit venue, il me fallut de bien longues heures pour atteindre le cercueil, creusant de mes griffes la terre et les pierres froides à m’en meurtrir les chairs. Mais quelle ne fut pas ma récompense ! D’abord surprise pas la petite taille de celui-ci, j’y découvrais à l’intérieur une enfant, belle, de longues boucles blondes, un visage lisse et pure que l’accumulation des âges n’avait point encore gâté… une vraie poupée, au yeux bleus et à la bouche en cœur sucrée.
Je l’ai serrée tendrement contre mon sein comme une mère son enfant et j’ai dansé avec elle sous le regard morne de la Lune, riant de l’injustice de Leur vie et du bonheur présent de la mienne.
J’ai attendu longtemps avant de la dévorer. Et ce fut je crois mon dernier repas. Depuis c’est étrange, je ne ressens plus la faim…
Peu de temps après, les miens se sont enfuit vers les profondeurs de la Terre, me criant que j’étais folle de rester là, car le monde dément des humains allait s’effondrer.
C’était juste avant que le ciel ne s’embrase… La nuit pendant un court instant c’était faite jour… Puis la pluie noire, brûlante, avait commencé à tomber…
Maintenant, je ne saurais dire si c’est le jour ou la nuit tellement le ciel est couvert et tellement tout semble gris.
Autour de moi le vent souffle fort, charriant poussières et regrets mais je ne ferme pas les yeux, jamais.
Car malgré tout, je sais que mes Hommes reviendront un jour, alors j’attends…
Même dans la mort,
J’attends.