Vois-tu Proserpine, dans mon monde à moi le soleil brille et rayonne d’une douce chaleur. Le ciel est bleu, d’un bleu profond et les nuages blancs ne font que passer sans déranger, juste ce qu’il faut pour que notre regard ne s’habitue pas trop vite. Le paysage est vallonné, l’herbe est d’un beau vert tendre et ravit les moutons qui paissent de-ci de-là.
Les forêts sont accueillantes, rien n’est effrayant en ce monde qui est mien.
Regarde Proserpine ! Regarde au loin sur cette montagne, c’est mon château, ton palais, nous y seront bientôt. Si tu es fatiguée, je te porte sur mes épaules. En ce monde, je suis fort, Proserpine.
Il essaye de lui transmettre le peu de chaleur qui l’anime encore, il tire un peu la couverture sur ses épaules mais le magasine humide se déchire. Le carton qui les abrite laisse filtrer l’air glacial.
Proserpine ne tremble plus. Il continue son histoire, lui décrit les murs de marbre et les tours de cristal.
Proserpine sourit, son regard s’est perdu dans les yeux de Petit Pierre. Il sourit lui aussi, il s’endort contre celle qu’il aime, qui n’a plus froid maintenant et qu’il emporte avec lui.
Le vieux Rusty, malingre, misérable, s’approche un tesson à la main. Il lui faut les chaussures du garçon, il y mettra du journal pour protéger ses pieds gelés.
Il soulève le carton, les chaussures sont là, des guenilles détrempées jonchent le sol.
Il a cru voir comme une lueur, entendre comme un rire, puis la pluie s’est remise à tomber.