La Bergère du village emmenait comme tous les matins les moutons et brebis sur ses petits alpages briards. C’était une petite fille, fille et arrière petite fille de bergères elles aussi.
La gamine aimait à courir dans l’herbe haute , à faire peur aux papillons et les journées pour elle, se déroulaient ainsi tout l’été sans souci. Le soir les braves chiens sous les « Yop,Yop », de la petite fille faisaient leur labeur, rassemblant le troupeau pour le ramener à la bergerie.
Un matin, un petit loup nommé Compiègne, titubant encore sur ses petites pattes, se glissa hors de la meute à l’orée de la forêt tout près de la grand pierre qui domine le village. Dans la brume qui s’élevait du petit Morin il aperçut quelques bêtes bien appétissantes mais bien trop grasses pour lui tout seul. Puis entre deux coquelicots et quelques bleuets, un beau papillon s’envola, la bergère lui apparut. Sa surprise fut grande !
Quelle joie d’être petit loup, se dit-il.. Des chairs tendres et ce cœur tout aussi tendre à conquérir. Mais si je choisis le cœur je dois cacher à la meute les tendres brebis. Alors sans rien dire au reste du clan, tous les matins, il allait contempler la petite fille et son petit cœur de loup devenait un énorme amour.
Puis la fin de l’été arriva, laissant place aux feuilles d’or et de sang sur les arbres. La petite bergère se rapprochait des maisons et Compiègne ne pouvait presque plus l’apercevoir. Enfin ce fut l’hiver. Le clan décidait de migrer vers Orly sur Morin où la forêt était plus dense et les lièvres plus nombreux.
Un matin en s’éveillant, Compiègne sentit la douce chaleur d’un rayon de soleil printanier. Il avait bien grandi et les dangers ne lui faisaient pas peur. Sur le rocher il attendait la petite bergère, mais il n’y avait plus personne. Plus de bergère, plus de brebis ni mouton. Cela dura plusieurs années et alors que notre loup était devenu un grand et brave et fier animal, chasseur émérite de biches surprises entres les clairières vaporeuses de nos campagnes, il retourna comme tous les ans sur le rocher de Villeneuve attendant la promise.
C’est là qu’il vit la demoiselle et ses moutons, mais aussi trois petites têtes blondes qui couraient dans les blés et l’avoine. Trois petites têtes humaines, trois fausses notes pour son cœur de loup et sa colère n’eut d’égal que le tonnerre qui grondait, là bas plus loin vers Montolivet.
D’un bond immense il empoigna la gorge de la demoiselle, puis celles de ses enfants. Le sang se ruait comme une vague de désespoir dans le Petit Morin et Compiègne, l’acte achevé, mesurait toute sa tristesse ,son arrogance, sa méchanceté et sa cruauté.
Alors bien triste de cette pénible besogne, il quitta la meute, disparut du côté de Thiercelieux, où il parait encore de nos jours que certains loups sévissent encore..