Marchand de temps.

Albert sonna au numéro cinq, ajusta sa cravate, et affermit sa prise sur la poignée de son porte-documents en cuir de vachette, cadeau posthume de son défunt grand père maternel, détail sans importance. L’homme qui ouvrit brutalement la porte n’était pas de ceux que l’on classe dans la catégorie des gens affables tel La fontaine, pourquoi La fontaine ! Toujours est-il qu’il puait la crasse et la vinasse à un point tel qu’Albert recula d’un bon pas. Comme il n’avait pas de temps à perdre, on ne gaspille pas son gagne pain, il marmonna un : « C’est pour un sondage. » Et se fit fermer la porte au nez avec soulagement.
Au numéro sept, il eut plus de chance. On le fit entrer au salon. Un couple bien mis, de petits retraités, dans un petit intérieur simple mais très propre.
Il devait apparaître comme l’attraction du jour. La femme lui servit café et petits gâteaux alors que l’homme assis en face de lui, un peu sur la réserve attendait silencieusement que son épouse s’installe.
 Je vends du temps, dit Albert. Il attendit que son annonce fasse son effet en sirotant son café.
 je vous fais une démonstration gratuite, tenez, signez ici.
Les contours de l’homme et de la femme commencèrent à s’estomper et bientôt il fut seul.
Voilà, j’ai une heure devant moi. Il fit un inventaire rapide de ce qui se trouvait dans la petite maison, ouvrit sa poche spatiotemporelle et commença à entasser. Il aurait sans doute de quoi faire une brocante, il n’y a pas de petits profits.