Rien à écrire.
Vite un sujet, n’importe quoi qui me permette de noircir l’écran. C’est vrai, je trouve ce fond blanc indécent, il faut absolument que de petites lettres viennent rompre cette monotonie.
Parfait, la machine est en marche ; cela n’a pas été facile. C’est ça le diesel en hiver, de grosses difficultés au démarrage.
Maintenant il me faut une histoire, ce n’est pas le tout de se mettre en route, il faut savoir où aller. Vite un sujet, j’approche du rond point et je ne sais toujours pas quoi raconter. Au hasard, la première à droite. Histoires fantastique, six kilomètres, à quatre-vingt kilomètres à l’heure cela nous fait quatre minutes et trente secondes pour trouver un sujet, c’est coton ! Je me demande si j’ai bien fait de prendre à droite.
Une sirène retentit, un coup d’œil dans le rétro, une voiture de police me fait des appels de phare.
Un coup d’œil sur le compteur, je roule très largement en dessous de la limite autorisée.
Soucieux de ne pas m’attirer d’ennuis je m’arrête sur le bas côté, je coupe le moteur et j’attends.
J’entends gueuler :
les mains sur la tête et sortez lentement de la voiture.
Ca va pas être évident d’ouvrir la portière avec les mains sur la tête. Mais finalement je me retrouve debout à côté de mon véhicule, les mains sur la tête.
Tournez-vous lentement et gardez les mains sur la tête.
Je me tourne très lentement et me retrouve face à un flic style cow-boy avec un magnum pointé sur moi. De plus le type n’a pas l’air de vouloir rigoler. Une idée me traverse l’esprit ; est-ce que je lui fais remarquer qu’il n’a pas ses gants blancs, j’hésite. Finalement je pense plus sage de ne pas trop la ramener.
Vos papiers !
Je me hasarde à lui poser une question.
Je peux baisser une main ?
La réponse fuse sur un ton sec sans équivoque.
Baisse la main gauche mais ne fait pas le mariolle
Les papiers sont dans la poche gauche de ma veste, les prendre avec la main gauche n’est pas chose aisée.
Après maintes contorsions, je parviens enfin à extraire les documents demandés, que je lui tends d’une main tremblante.
Il examine mon permis de conduire, la carte grise, l’assurance.
C’est presque gêné qu’il me rend le tout quelques minutes après. Il n’a rien trouvé à redire et semble déçu.
Son magnum est toujours pointé vers moi.
je peux baisser les mains ?
Il acquiesce d’un air évasif. Je ne suis pas mécontent de pouvoir ramener mes bras dans une posture plus confortable, mais, toujours aussi inquiet de sa façon de tenir son flingue. J’ai vraiment l’impression que ça le démange, qu’il meurt d’envie de se servir de cette arme.
C’est vrai que ça doit être frustrant d’avoir un si beau joujou, de devoir l’astiquer tous les jours sans pouvoir réellement l’utiliser.
Tout à coup je vois dans son regard une lueur démente, sa prise sur l’arme se raffermit et il me crie à nouveau de lever les mains.
J’ai la gorge serrée, ce con va tirer, c’est sûr, mais pourquoi ?
Je savais que je vous aurais, votre compte est bon, vous avez un pneu lisse à l’arrière.
Un coup de feu claque dans l’air glacial. J’attends que le projectile me frappe. Je ne pensais pas qu’il pouvait se passer tant de temps entre la prise de conscience de la balle quittant le cannon et la douleur de l’impact.
Mais rien ne parvient jusqu’à moi si ce n’est le rire gras de ce grotesque personnage.
Vous vouliez noircir du papier et moi je tire à blanc. Elle est bien bonne celle là.
Il me semble tout à coup que j’émerge d’un cauchemar pour pénétrer dans une mauvaise blague.
Il a enfin rangé son instrument. Il est plié en deux, il me semble même qu’il en pleure.
Mais qu’est-ce que c’est que ce flic débile. Un malade… C’est un malade… Mais flic ou pas, je vais lui casser sa sale gueule.
Une douleur à la tête. Je ne comprends plus. Assoupi devant mon PC, je viens de heurter le dossier de ma chaise.
Fini le flic, la sirène, le rond point. Je la tiens mon histoire. C’est… Ca parle de quoi déjà…