A la veille de recevoir mes résultats d’examens, je l’avoue, j’avais lâchement déserté ma maison pour aller sortir avec des amis. Après tout, hein, pas de raisons que je me morfonde, je stressais déjà suffisamment comme ça sans en plus me coltiner une soirée avec ma mère qui tournerait en rond autour de moi et mon cerveau qui appliquerait machinalement et inexorablement la règle du « je ne sais pas pourquoi j’y pense mais j’y pense et subitement ça me paraît inexorable que ça se passe comme ça. Quoi que non il y a encore pire, attend ! Ou non, plutôt ça ! Ou... »
Je désertais donc la maison. Et finalement, j’eus raison, constatant avec affliction (et un brin de surprise quand même) que j’étais sans doute bonne pour recommencer ma première, hop, fonction périodique, on recommence !
De nouveau, cela m’inspira des sentiments mitigés. Il est curieux de se dire qu’on s’apitoie tant sur les gens qui doublent, qui recommencent, et qu’on n’est jamais vraiment effleuré par la probabilité que ça nous arrive à nous aussi ; on se le dit comme une vague menace, loin comme les nuages de l’orage, et on ne prête même pas attention au curieux calme qui précède la nouvelle.
Puis soudain, ça nous tombe dessus et ça colle à nos pas : « alors, les études, ça a été les exams ? » « Et ton année ? » « Et alors, la médecine ? » et autres synonymes que l’âme humaine a inventé pour surtout ne pas avoir l’air de tous dire la même chose. Parfois je me dis qu’on devrait avoir une série de phrases type, ce qui éluderait entre autres le problème des gens qui ne savent pas s’exprimer par une phrase qui fait moins de 5 lignes et contenant au moins 3 mots de plus de 5 syllabes (j’espère ne pas trop vous compliquer la vie avec mes propres phrases émaillées de chiffres dont je ne doute pas que certains cerveaux en vacances (comme le mien, chut) auraient quelques peines à déchiffrer). Cependant, je m’égare.
Ca nous colle au corps, donc, ça nous poursuit et je pense que, finalement, ça doit être ça le pire. Non pas de doubler, ou de devoir affronter intérieurement sa propre honte ou ses propres culpabilités, la résignation et l’énervement, quelque part, de devoir recommencer ; ça, il suffit de tourner la page, de prendre un nouveau départ. Renouveau.
Mais le regard ! Le regard de ceux qui ont cru en nous, de ceux qui étaient persuadés qu’on arriverait jamais à rien, de ceux qui avaient une confiance illimitée/limitée/mitigée/vacillante/a toute épreuve en nos capacité ! Ces dizaines de regards de nos proches, de nos amis, ceux qu’on aurait pas aimé décevoir et qui pourtant nous tourmente, comme nous tourmente le fait que finalement, c’est de notre faute, qu’on ne puisse s’en prendre à personne.
Créature étrangement démunie que l’être humain devant une culpabilité qu’il ne peut pas partager...