Laissez-moi, voulez-vous, il n’y a rien d’important à faire, rien d’indispensable, rien de prioritaire, sauf peut-être d’être là, ensemble, portés par la complicité comme une plume au vent, à chaque instant, de plus en plus...
Laissez-moi, voulez-vous, aux portes de l’océan, là où l’être fraye avec la nature, là où les sirènes ne sont plus en état d’alerte, laissez-moi glisser des mots sucrés au secret de vos oreilles, me nourrir au gré des moissons de vos lettres, dans le rouge de vos lèvres, cette échancrure à rêver.
Laissez-moi, voulez-vous, préparer la grève à accueillir vos confidences et vos couleurs, votre âme échouée, la tentation de nous construire un nous, ces aveux écrits à voix haute et à marée basse, l’espoir et les reproches, quand le spleen nous chavire et nous rapproche...
Laissez-moi, voulez-vous, retrouver ces mots perdus dans le vent, me perdre à mon tour dans le galbe de vos sentiments, la lente dérive des algues, malgré l’insupportable pesanteur du vide qui me remplit, mettre au pilori vos "oui, mais" qui sonnent et résonnent en moi, qui pourrissent vies et rencontres, retrouver ces mots échappés à jamais reçus, plonger encore, plonger enfin, sombrer et me noyer dans vos murmures, dans vos non-dits, ces mots tus qui me tuent, ces lents, si lents, silences qui me saturent de vous...
Ce vague a l’âme a un nom, Loulou, le vôtre, depuis bien trop longtemps, souvenirs et blessures enfouis, au fond, sur le sable, et qui déboulent sur la grève, rythmés par flux et reflux, roulant comme cette pierre de lune sur les joues laiteuses de votre gorge, désespoir fascinant et aveuglant lorsque je songe à tout ce temps perdu, à ces sons assassins échappés de cette gorge pour d’autres amants…
Alors oui, malgré la lourdeur des émotions qui se répètent et d’un secret soudainement décacheté, malgré vous Loulou, cet amour que je vous voue est un ruisseau qui délave ma mémoire, lui redonne de l’éclat, polissant l’ongle des galets les plus bruts et me donne l’impression de devenir meilleur, plus ouvert, plus tolérant, plus patient surtout…
Vous êtes la plume au vent, le kapokier trempant ses pieds fatigués dans le Tanganyika, la neige fondue du Kilimandjaro, venant gonfler le torrent de ces émotions retrouvées, les emportant au loin, vous emportant plus loin,
vous,
la carte d’un trésor à jamais perdu…
Laissez-moi, voulez-vous, laissez moi là, je suis si las, hélas, de vous…