Les couleurs reviennent sur un silence pesant. L’image se fait plus nette et plonge paradoxalement les protagonistes dans le flou... .
...et malgré cela vous êtes partie, sans vous retourner. Depuis, Loulou, j’ai l’impression de vivre ma vie en spectateur, je me regarde, gauche, un funambule hésitant sur un fil fragile, un fil qui me relie au passé, qui me relie à vous.
Vous êtes ...tellement..., vous êtes ...toujours... . Surprenant, pas inquiétant non, mais quand même, difficile de vous comprendre parfois, tellement insaisissable... .
C’est que... je ne sais comment vous expliquer cela, je crois que je ne sais pas trop moi-même qui je suis, vers quoi je cours, je sais seulement que je dois avancer, me laisser porter par le vent, par mes rêves... avec, en même temps, une farouche envie de ne pas laisser le "destin" s’en mêler, de rester le maître du jeu, voyez-vous... .
N’est-ce pas là notre lot à tous ?
Je ne sais, peut-être... . (là il s’emballe, haletant) un besoin irrépressible, vous comprenez, découvrir / rencontrer / voir et partager, j’ai peur d’être décalé / de ne pas vivre là où je le devrais / et aucun endroit jusqu’à présent n’a pu m’apaiser... .
Et maintenant ?
Et maintenant je ne sais pas... je me dis parfois que cette course n’est qu’une fuite, que peu de gens peuvent m’apprivoiser, que je suis sans doute un type pas trop mal dans mon genre, souvent trop entier, parfois incompris, des rêves trop flous, qui font un peu peur aux gens ‘rangés’... ...Après tout, peut m’en chaut ! Je suis moi, tel que je l’ai voulu ou plutôt tel que je le suis devenu puisque je ne sais pas, au fond, qui je suis, ce que je suis...
Spectateur de mon errance dans ce monde bleu et vert, subissant l’espace d’un temps indéterminé son unique destin, je me mêle à ces êtres qui l’habitent pour être témoin attentif de leurs vies, de la vie, de la mienne aussi... .
J’ai l’impression d’errer dans ce que la plupart des gens appellent bien pauvrement la fabulation, parce qu’ils sont à court d’idées pour appréhender toute réalité qui n’est pas à leur échelle... .
Et en fait, seule cette errance me permet d’exister, de savoir que ‘je suis’.
Et, non, Loulou, je ne sais pas où je vais, je sais simplement que je dois avancer, encore et toujours, sans cesse, avancer et apprendre... .
... ... ... ??
Je vois de l’incrédulité dans vos yeux ou bien est-ce le reflet de la mienne ?
Difficile, j’en ai conscience, Loulou, difficile de suivre ces errements... Je voudrais comprendre moi aussi... pourquoi... pourquoi... Je n’ai trouvé ni voix, ni voie, pour me répondre. Une seule chose est certaine, ma course n’est pas terminée, je dois avancer, avancer et découvrir, je dois apprendre et apprendre, je dois en savoir de plus en plus sur "la vie"... .
Pourquoi ?
Pourquoi ? Je voudrais le savoir moi aussi. J’ai l’impression qu’un jour on me demandera de rendre compte de tout ce que j’ai appris…. Qui "on" ? Dans quel but ?
Je ne saurais répondre... .
Et moi je crois que vous vous posez trop de question, que vous vous noyez dans l’illusion de pouvoir soulager la misère du monde, que vous allez vous casser le dos et qu’il est peut-être temps de poser votre fardeau... .
Vous avez sans doute raison... Mais vous, savez vous que vous éclairez ma vie d’un jour nouveau...? Pourquoi ce cœur qui s’emballe à nouveau ?
Je ne peux répondre à votre place et, confidence pour confidence, je suis bien incapable de vous décrire mes propres sentiments... Mais vous, n’avez-vous jamais éprouvé cela auparavant ?
Peut-être, je ne sais plus Loulou, vous êtes comme un long trait tiré sur mon passé... Il y a bien eu, sans doute, cette jeune femme en Europe et puis cette autre, mais c’était peut-être en rêve, tandis que vous Loulou, vous êtes là, bien réelle, devant moi...
J’existe et je suis là pour vous, je l’ai compris fort tard, mais me voilà, espérant que vous comprendrez mes doutes et que vous vous me prendrez dans vos bras... .
Oôôôh... Loulou, comme tout ceci est difficile, un moment si souvent espéré, tant de fois rêvé et tellement soudain... il ya quelques jour je n’aurais pas eu un seul instant d’hésitation... .
Et..?
Ne le prenez pas mal, Loulou, on se remet difficilement des désillusions... les aveux font mal quand on songe aux jours où rien ne venait contrarier nos espoirs... . Et même si l’on a délibérément choisi de ne pas se laisser enquiquiner par la pesanteur de ce qui reste inachevé, inavoué, on ne peut s’y soustraire...
Je comprends, mais regardez, je suis là maintenant...
Si seulement c’était si simple, Loulou, nous avons vécu, peut-être trop, nous connaissons les risques de ces emballements, nous connaissons ces déchirures qui ne se referment jamais totalement... .
Pourquoi/Comment pourriez-vous vous échouer alors que je vous apprécie tant et que j’attends tant de vous...?
Le temps a passé, Loulou. J’ai changé...
La lune est restée semblable, complice, comme ce jour où vous m’avez invité dans votre rêve dessiné sur la terre rouge... .
Le croyez-vous vraiment Loulou ?
A ce moment précis, la lune, prude, se voile la face d’un nuage rendant la nuit plus incertaine encore... .
Et le rideau retombe sur la scène...