Suzuki Norio est un jeune Japonais de 25 ans, ex-étudiant devenu plus ou moins routard international. Depuis cinq ans il a parcouru en stop tous les continents avant d’entendre parler de celui que les indigènes de Lubang, une île du Pacifique appartenant aux Philippines, appellent « Long hair » (longs cheveux) et que lui ne tardera pas à nommer le yéti !
Nous sommes en 1974. Arrivé depuis peu à Lubang, il a décidé de tenter sa chance pour retrouver « Long hair ». Depuis des années, de multiples tentatives dans ce sens ont échoué. Suzuki décide de jouer les touristes et plante sa tente en bordure de la jungle, sur un grand espace dégagé d’où il peut voir mais également être vu de loin.
Quelques jours s’écoulent et puis un soir, alors qu’il allume un feu de camp en pestant contre les moustiques, il entend dans son dos une voix qui l’interpelle.
Il se retourne et se trouve face à face avec un soldat japonais qui pointe un fusil vers lui.
Pas très rassuré, il s’écrie « Ho, ho, ne tirez pas, je suis Japonais ! Vous êtes Hiro Onoda ? ». Le soldat en loques lui répond qu’il est bien Onoda mais qu’il n’a pas confiance et qu’il n’est pas question qu’il se rende ; pourtant peu à peu l’atmosphère se détend et une conversation peut enfin s’engager.
Suzuki se trouve bien devant « Long hair », officiellement le lieutenant Hiro Onoda de l’Armée Impériale japonaise, envoyé en mission spéciale sur l’île depuis Décembre… 1944.
Après avoir subi les bombardements intensifs des Américains puis le débarquement de ces derniers, Onoda et quelques soldats survivants sont entrés dans la jungle, persuadés que la guerre continuait. Après la capitulation japonaise de 1945, que bien sûr ils n’apprennent pas, ils organisent leur survie en attendant des jours meilleurs et le retour des leurs, toujours espéré mais jamais exaucé.
Toutes les tentatives pour leur faire comprendre l’absurdité de leur situation resteront sans effets, du moins pour les plus récalcitrants.
Au fil des ans,on organise des distributions de tracts, des appels au porte-voix aux abords de la jungle, des missions composées d’anciens combattants du Pacifique, d’autorités japonaises et philippines : rien n’y fait !
Les derniers survivants vivent un peu sur le pays en rapinant (et tuant si nécessaire) dans les villages et aussi en piégeant le gibier qu’ils trouvent en forêt… et les années passent.
En 1972, le dernier compagnon d’Onoda, le soldat Kozuka, sera tué au cours d’un accrochage avec les forces philippines. Ces dernières, à la demande des habitants des villages alentour, organisaient de temps à autre, des opérations militaires pour nettoyer une fois pour toutes le pays de ces Japonais qui, en trente années de cavale, tueront quand même une vingtaine de paysans locaux.
Il faudra donc attendre 1974, et l’initiative de Suzuki Norio, pour que le dernier (?) combattant japonais de la guerre du Pacifique accepte de se rendre, mais uniquement à son ancien commandant d’unité, celui là même qui lui avait confié la mission. Le commandant en question, le major Tanigushi, retrouvé au Japon, fera le déplacement jusqu’à Lubang et délivrera Onoda du serment de se battre jusqu’au bout qu’il lui avait fait en 1944.
En Novembre 2008, Onoda, âgé de 86 ans, vivait toujours au Japon où il enseignait l’art de la survie en zone hostile, un art qu’il avait mis au point pendant ces 29 années passées en tant que résistant dans la jungle philippine.
Janvier 2009
Nota... Hiro Onoda est mort au Japon, et dans son lit, en 2014 à l’âge de 91 ans